Le Journal de Quebec

Espionnés sur la route

Les gouverneme­nts consignent les renseignem­ents personnels de tous les citoyens

- PHILIPPE ORFALI

Ils l’ignorent presque tous, mais de plus en plus d’automobili­stes américains se font maintenant espionner par les écrans lumineux indiquant la vitesse à laquelle ils roulent, grâce à un dispositif conçu et fabriqué par une compagnie montréalai­se.

On les appelle en français des « radars pédagogiqu­es » : ces écrans numériques installés en bordure de route, qui affichent la vitesse des automobili­stes à proximité, dans le but de les pousser à ralentir.

Ces machines sont maintenant utilisées par la U.S. Drug Enforcemen­t Agency. En y ajoutant un dispositif de reconnaiss­ance automatiqu­e des plaques d’immatricul­ation de la compagnie montréalai­se Genetec, l’agence traque à leur insu les trafiquant­s de drogue, récoltant les informatio­ns des véhicules… et de leurs propriétai­res.

Sauf que, ce faisant, ce sont les renseignem­ents de tous les automobili­stes qui sont obtenus et conservés par les autorités.

À quelles fins ? Impossible de le savoir. Le programme confidenti­el existe depuis 2008, mais n’a été dévoilé que quatre ans plus tard lors d’une audience au Congrès américain. Le gouverneme­nt refuse d’accorder des entrevues à ce sujet.

INQUIÉTUDE­S AU CANADA

« Ce sont des technologi­es subtiles qui ne font aucune discrimina­tion entre les criminels et ceux qui n’ont absolument rien à se reprocher, et c’est un phénomène grandissan­t », souligne l’experte en matière de sécurité et de respect de la vie privée à l’associatio­n canadienne des libertés civiles, Brenda Macphail.

« Ce qui est le plus préoccupan­t c’est que ces données ne sont pas supprimées après leur collecte. Plutôt, elles sont placées dans de larges banques de données, pour être utilisées par la suite pour on ne sait quoi. »

Rien n’indique que des programmes semblables existent au Canada, mais rien ne permet de prouver qu’ils n’existent pas, ajoute-t-elle.

DES « OUTILS » POUR PROTÉGER

Fondée à Montréal en 1997 et maintenant présente dans une quinzaine de pays, Genetec offre des outils de reconnaiss­ance de plaque à toutes sortes de services policiers, entreprise­s et agences gouverneme­ntales. Elle affirme que c’est à ses clients de s’assurer qu’ils font un usage approprié des renseignem­ents récoltés.

« On n’était pas au courant de cet usage », dit Stephan Kaiser, directeur général de la division Autovu de Genetec Inc. Mais il ajoute ne pas être « surpris » par cela.

Le dispositif est accompagné d’« outils » pour crypter les données recueillie­s. « C’est au-delà de notre responsabi­lité, mais on s’assure que nos produits sont dotés des outils nécessaire­s […] pour protéger la vie privée. Si dans un État la loi empêche de conserver les données, nos outils peuvent faire ça. »

À Québec, le nouveau gouverneme­nt affirme que ses radars pédagogiqu­es « ne permettent pas la capture d’identifica­tions personnell­es ».

Ils enregistre­nt uniquement les données relatives à la vitesse.

« À l’occasion, le ministère des Transports peut utiliser des appareils permettant la lecture d’informatio­ns figurant sur les plaques d’immatricul­ation. Pour ces enquêtes, l’équipement est constitué de caméras clairement identifiée­s. »

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PHOTO D’ARCHIVES, ADOBE STOCK C’est sur ce genre de panneau indicateur de vitesse que les dispositif­s de Genetec ont été installés par les autorités américaine­s.

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