Espionnés sur la route
Les gouvernements consignent les renseignements personnels de tous les citoyens
Ils l’ignorent presque tous, mais de plus en plus d’automobilistes américains se font maintenant espionner par les écrans lumineux indiquant la vitesse à laquelle ils roulent, grâce à un dispositif conçu et fabriqué par une compagnie montréalaise.
On les appelle en français des « radars pédagogiques » : ces écrans numériques installés en bordure de route, qui affichent la vitesse des automobilistes à proximité, dans le but de les pousser à ralentir.
Ces machines sont maintenant utilisées par la U.S. Drug Enforcement Agency. En y ajoutant un dispositif de reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation de la compagnie montréalaise Genetec, l’agence traque à leur insu les trafiquants de drogue, récoltant les informations des véhicules… et de leurs propriétaires.
Sauf que, ce faisant, ce sont les renseignements de tous les automobilistes qui sont obtenus et conservés par les autorités.
À quelles fins ? Impossible de le savoir. Le programme confidentiel existe depuis 2008, mais n’a été dévoilé que quatre ans plus tard lors d’une audience au Congrès américain. Le gouvernement refuse d’accorder des entrevues à ce sujet.
INQUIÉTUDES AU CANADA
« Ce sont des technologies subtiles qui ne font aucune discrimination entre les criminels et ceux qui n’ont absolument rien à se reprocher, et c’est un phénomène grandissant », souligne l’experte en matière de sécurité et de respect de la vie privée à l’association canadienne des libertés civiles, Brenda Macphail.
« Ce qui est le plus préoccupant c’est que ces données ne sont pas supprimées après leur collecte. Plutôt, elles sont placées dans de larges banques de données, pour être utilisées par la suite pour on ne sait quoi. »
Rien n’indique que des programmes semblables existent au Canada, mais rien ne permet de prouver qu’ils n’existent pas, ajoute-t-elle.
DES « OUTILS » POUR PROTÉGER
Fondée à Montréal en 1997 et maintenant présente dans une quinzaine de pays, Genetec offre des outils de reconnaissance de plaque à toutes sortes de services policiers, entreprises et agences gouvernementales. Elle affirme que c’est à ses clients de s’assurer qu’ils font un usage approprié des renseignements récoltés.
« On n’était pas au courant de cet usage », dit Stephan Kaiser, directeur général de la division Autovu de Genetec Inc. Mais il ajoute ne pas être « surpris » par cela.
Le dispositif est accompagné d’« outils » pour crypter les données recueillies. « C’est au-delà de notre responsabilité, mais on s’assure que nos produits sont dotés des outils nécessaires […] pour protéger la vie privée. Si dans un État la loi empêche de conserver les données, nos outils peuvent faire ça. »
À Québec, le nouveau gouvernement affirme que ses radars pédagogiques « ne permettent pas la capture d’identifications personnelles ».
Ils enregistrent uniquement les données relatives à la vitesse.
« À l’occasion, le ministère des Transports peut utiliser des appareils permettant la lecture d’informations figurant sur les plaques d’immatriculation. Pour ces enquêtes, l’équipement est constitué de caméras clairement identifiées. »