Le Journal de Quebec

Quel avenir pour les Autochtone­s ?

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

L’été dernier, deux spectacles de Robert Lepage, SLĀV et Kanata (ce dernier à l’état de projet) ont enflammé la planète culture. D’un côté, on a crié à une honteuse appropriat­ion culturelle et de l’autre, à une censure infâme.

La controvers­e a fait le tour du monde, ternissant à New York comme à Londres la réputation jusqu’alors sans tache du metteur en scène et artiste de Québec. Depuis, le calme semble revenu et l’annonce qu’on présentera finalement Kanata à Paris n’a pas fait de vagues.

Est-ce à dire qu’on a trouvé un modus vivendi avec les Premières Nations et que leurs revendicat­ions sont terminées ? Il faudrait être naïf pour croire que la « paix des braves » est chose accomplie et que même les plus radicaux ont remisé leurs pancartes aux slogans enflammés.

UNE MURALE POUR ALANIS

S’il est une Autochtone qui a consacré sa vie à la reconnaiss­ance des Premières Nations et à cette paix des braves, c’est bien Alanis Obomsawin. Hier, à Montréal, l’organisme MU qui s’est donné comme mission de transforme­r Montréal en musée à ciel ouvert, a inauguré une murale en hommage à Alanis.

C’est la 20e murale consacrée à ceux que MU appelle les « bâtisseurs culturels montréalai­s » et la quatrième qui rend hommage à une personnali­té des Premières Nations. L’artiste Atikamekw Meky Ottawa a créé une oeuvre sensible et imposante qui fait quatre étages de hauteur, rue Lincoln, près de la rue Atwater.

Alanis, la petite Abénaquise née au New Hampshire, mais élevée à Odanak, près de Pierrevill­e, en a fait du chemin. Dans les années 1950, sous le nom d’hélène Robert, elle arpentait les rues de Trois-rivières en quête de petits boulots. Puis, devenue mannequin, elle a fini par reprendre sa véritable identité. Sur scène, elle a fait revivre en musique le folklore abénaquis et elle a chanté sa fierté retrouvée.

UNE CHAMPIONNE DU DOCUMENTAI­RE

Au début des années 1960, Alanis a composé les chansons d’un album qu’elle a intitulé Bush Lady, mais elle les a enregistré­es seulement plusieurs années après. Elle les a interprété­es pour la première fois au Monument national le 28 septembre dernier, après avoir brisé la glace, l’automne précédent, au festival Guess Who d’utrecht aux Pays-bas.

Entre-temps, Alanis a réalisé 51 documentai­res et parcouru le Canada tout entier. Elle a visité des dizaines d’écoles pour expliquer aux jeunes Autochtone­s que leurs ancêtres n’étaient pas ces sauvages qui s’amusaient à scalper les Blancs, comme le racontaien­t les manuels d’histoire de mon enfance.

CHANGER LE POINT DE VUE DES BLANCS

Alanis est convaincue que c’est par l’éducation et la culture que les Autochtone­s finiront par retrouver leur dignité et une place au soleil. Jesse Wente, un Ojibwé de Toronto, qui tente depuis janvier dernier de mettre sur pied le premier Office autochtone de l’audiovisue­l, va encore plus loin.

Wente, qui sera conférenci­er aujourd’hui même au séminaire annuel Eva Holtby du Royal Ontario Museum, pense que c’est en racontant leurs histoires dans leurs longs métrages, leurs documentai­res et leurs romans que les Autochtone­s arriveront non seulement à s’en sortir, mais à changer le point de vue des Blancs à leur endroit.

Il faudra sûrement quelques génération­s pour y arriver, mais une femme comme Alanis Obomsawin aura contribué par son oeuvre à raccourcir ce temps de beaucoup.

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