Le Journal de Quebec

Des experts demandent une enquête policière

- NICOLAS LACHANCE

Alors qu’élection Québec tente de rassurer la population, les experts en sécurité informatiq­ue réclament une enquête policière sur le piratage survenu durant la dernière campagne électorale, estimant qu’il s’agit d’une « grave infraction criminelle contre l’état ».

« À partir du moment où ta démocratie se base sur un système de vote, et que tu peux avoir des doutes sur [son] efficacité, c’est grave. Tu dois prouver que ton système est propre », a soutenu Paul Laurier, spécialist­e de l’informatiq­ue judiciaire.

« Ça prend un audit indépendan­t sérieux et une enquête criminelle. »

EFFACEMENT

Le lendemain du déclenchem­ent des élections, un pirate a pris le contrôle d’un poste informatiq­ue d’élection Québec. Au lieu de contacter les services policiers et d’analyser l’ordinateur, le Centre de services informatiq­ues du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) a formaté les données, effaçant les preuves et les traces du piratage.

« Ce n’est pas sérieux, c’est une atteinte importante à l’intégrité des données », a affirmé M. Laurier.

Notre Bureau d’enquête a obtenu copie du rapport d’incident détaillant l’intrusion du pirate informatiq­ue.

Malgré ce document accablant, signalant noir sur blanc une « intrusion », le DGEQ, Pierre Reid, a affirmé dans un communiqué en fin de journée, hier, « qu’en aucun temps » le « réseau informatiq­ue n’a été victime d’une intrusion ».

Il a néanmoins exigé de ses équipes qu’elles revoient « chacune des façons de faire afin d’améliorer constammen­t la gestion des incidents de sécurité ».

L’ordinateur ciblé par les pirates « comprenait des fichiers informatiq­ues qui n’étaient pas liés » à leurs systèmes, soutient le DGEQ. Mais il contenait des données nominative­s pointues. Les curriculum­s vitæ et les adresses personnell­es de deux personnes auraient pu être touchés.

M. Reid a refusé de répondre aux questions du Bureau d’enquête.

Dans un communiqué, la ministre de la Justice Sonia Lebel s’est dite préoccupée, mais s’en remet aux explicatio­ns du DGEQ.

« N’IMPORTE QUOI »

L’expert en sécurité informatiq­ue qui a analysé le rapport d’intrusion, Steve Waterhouse, a qualifié la sortie du DGEQ de « n’importe quoi ». D’ailleurs, aucune plainte n’a été soumise à la Sûreté du Québec. L’expert estime pourtant que le DGEQ devrait démontrer « l’intégrité » de son système.

Paul Laurier ajoute qu’il s’agit peut-être même d’un dossier pour la Gendarmeri­e du Canada (GRC): « Ça peut aller plus loin que la frontière. (...) Qu’est-ce qui a été compromis comme informatio­n? Ça prend un “war room”, une cellule de crise, c’est une crise […]. Il y a des données sensibles », plaide-t-il.

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