Le Journal de Quebec

LA DÉTERMINAT­ION DE SA MÈRE

GREENWICH, Connecticu­t | Toute comparaiso­n est boiteuse, dit-on. Mais j’ai toujours pensé qu’en termes de caractère, Martin StLouis était le joueur québécois qui se rapprochai­t le plus de Maurice Richard.

- MARC DE FOY

Le nouveau membre du Panthéon du hockey était d’une intensité rare. Il était tellement absorbé par son métier que l’on se demandait s’il parvenait à se détendre.

« C’est peut-être le côté le moins connu de ma personne », dit-il.

« Avant les matchs, je faisais des niaiseries. Je savais avec qui je pouvais faire des blagues. Il y a un temps pour s’amuser. Quand le match commençait, j’étais concentré sur mon travail. »

CONVAINCUE ET CONVAINCAN­TE

Lorsqu’on lui demande de quel parent il tient, il répond: « un peu des deux ». Il prend ensuite une pause avant de reprendre la parole sur un ton brisé par l’émotion. « Ma mère avait du chien », dit-il. France St-louis a été emportée par un infarctus durant les séries de 2014. Elle était âgée de 63 ans.

Martin St-louis a vécu beaucoup de choses cette année-là.

Les dirigeants de l’équipe olympique canadienne, dont son directeur général Steve Yzerman chez le Lightning de Tampa Bay, n’avaient pas cru bon de le sélectionn­er pour les Jeux de Sotchi. Il fut finalement appelé à remplacer son coéquipier Steven Stamkos, contraint de déclarer forfait en raison d’une blessure.

St-louis demanda d’être échangé, ce qui fut fait peu après les Jeux olympiques. Il passa aux Rangers de New York. L’équipe new-yorkaise accusait un déficit de 3 à 1 face aux Penguins au deuxième tour des séries lorsqu’il apprit le décès de sa mère.

Sachant que celle-ci n’aurait pas voulu qu’il prenne une pause, il a continué à jouer pour aider les siens à éliminer les Penguins, puis le Canadien en finale de l’est.

« Son côté déterminé ne paraissait pas, car elle était une des meilleures personnes que j’ai connues dans ma vie », continue St-louis.

« Elle était gentille avec tout le monde. Mais quand quelqu’un était dur avec moi, elle me disait de ne pas m’en faire. “Tu vas voir, tu vas leur montrer !”, qu’elle me lançait. Elle était convaincue et convaincan­te. Elle m’a donné beaucoup de confiance. »

TORTORELLA OU LES VRAIES CHOSES

À Tampa, St-louis est tombé sur John Tortorella, un entraîneur qui ne fait pas dans la dentelle. Il a bien aimé jouer sous ses ordres même si ça impliquait des discussion­s orageuses à l’occasion.

« Ce que j’aimais de lui, c’est qu’il y avait de la communicat­ion », explique-t-il.

« Tu ne veux pas toujours entendre ce qu’il dit. Je me suis pogné souvent avec lui, mais ce n’est pas que je ne l’aimais pas. Une fois qu’on avait fini de se parler, c’était fini.

« Mon père est comme ça. Je savais quand il n’était pas content de moi. Il me le disait et ça finissait là. Tortorella était dur et exigeant, mais il était juste. »

L’entraîneur était dans la haie d’honneur lorsque le Lightning a retiré le chandail numéro 26 de St-louis, le premier dans l’histoire de la concession. St-louis avait adopté ce numéro en hommage à son idole d’enfance Mats Naslund, dont la petite taille ne l’a pas empêché non plus de connaître une belle carrière avec le Canadien, notamment.

EXPLOIT À LA GRETZKY

Tortorella a été le premier entraîneur à utiliser St-louis au sein d’un trio offensif dans la LNH. Lors de la saison 2003-2004, le Québécois a remporté le premier de ses deux championna­ts des marqueurs dans une ligue où les joueurs se retenaient et s’accrochaie­nt à qui mieux mieux.

« J’accrochais moi aussi ! », lance St-louis en souriant.

« Pour connaître du succès, tu dois t’adapter à toutes les situations. Ça fait partie de l’équation. Ça faisait bizarre de me battre pour le premier rang des marqueurs avec Joe Sakic et Ilya Kovalchuk. Sakic a connu une grande carrière et Kovalchuk était [aussi] un premier choix au repêchage. »

Fort d’un total de 94 points, St-louis avait devancé ses deux rivaux par sept points. Cette saison-là, il est devenu le premier joueur à remporter la coupe Stanley, le championna­t des marqueurs et le titre de joueur le plus utile à son équipe depuis Wayne Gretzky en 1987.

DEUX ÉPOQUES

Son deuxième titre des compteurs lui a apporté la même satisfacti­on, même si ça s’est produit dans un calendrier réduit de 48 matchs.

« J’avais 37 ans et la ligue rajeunissa­it, dit-il.

« Le jeu était plus rapide. J’ai dû m’ajuster encore une fois. Je venais de signer un contrat de quatre ans et j’aurais pu être moins affamé. Je suis fier de mes deux championna­ts des marqueurs, mais j’avais connu d’autres bonnes saisons entre les deux.

« C’est plus difficile de terminer premier marqueur à des époques différente­s que consécutiv­ement. »

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