Richard Latendresse
Imaginez une maladie infectieuse grave, peut-être la pire de toutes parce qu’un malade sur deux en meurt… Pas au Moyen-âge, mais aujourd’hui même, en novembre 2018 ! Imaginez maintenant la même terrible maladie, mais dans un coin du monde rongé par la corruption et la violence… De quoi donner des cauchemars à tous les épidémiologistes de la planète.
Ils dorment effectivement mal, les experts en santé publique déployés dans le nord-est de la République démocratique du Congo. Sans avertissement, au mois d’août, une épidémie du virus Ebola a éclaté au Nord-kivu et en Ituri, les provinces les plus peuplées après la capitale, Kinshasa.
C’est la seconde épidémie cette année dans le deuxième plus vaste pays d’afrique, le plus pauvre aussi, tout en étant richissime en ressources naturelles. L’autre vague de contagion était survenue à mille kilomètres à l’ouest, dans la province de l’équateur. Il a fallu plus de trois mois pour en venir à bout.
Les projections sont beaucoup plus sombres cette fois-ci. L’organisation mondiale de la santé a déjà dénombré 300 cas et 186 morts. En début de semaine, le directeur des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies – le « Santé Canada » américain – a évoqué la possibilité d’une épidémie permanente, impossible à contenir.
QUAND LA GUERRE S’EN MÊLE
C’est que cette fois-ci, pour paraphraser Rutebeuf, le mal n’a pas su seul venir. Depuis plus de 20 ans, parallèlement à l’épouvantable carnage survenu au Rwanda en 1994, cette région congolaise frontalière est ravagée par les conflits : plus de 130 groupes armés sèment violence et insécurité.
Conséquence, au moins un million des neuf millions d’habitants du secteur ont dû fuir, ailleurs au pays ou de l’autre côté des frontières, en Ouganda, au Rwanda et jusqu’en Tanzanie. Le problème, c’est qu’il devient extrêmement difficile de retracer, suivre et soigner ceux qui pourraient avoir été en contact avec le virus, la seule façon d’enrayer sa propagation.
Ce virus Ebola, sachez-le, est terrifiant : il provoque des fièvres épouvantables qui dégénèrent souvent en convulsions et délire. Suivent des hémorragies incontrôlables, puis le coma. On connaît les symptômes, mais le virus reste un mystère : les spécialistes ne parviennent toujours pas à expliquer pourquoi certains malades survivent et d’autres non. Sans compter que ceux qui s’en remettent continuent d’être porteurs pendant des semaines, voire des mois, menaçant ainsi de contaminer leurs proches.
NE PAS S’EN LAVER LES MAINS
La pire épidémie d’ebola jamais survenue a affecté près de 29 000 per- sonnes et fait au moins 11 315 morts. Dix pays avaient été touchés, dont la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone, le coeur de l’épidémie. Des victimes avaient été identifiées jusqu’aux États-unis. C’était en 2014-2015, et la Maison-blanche, sous Barack Obama à l’époque, s’y était attaquée en en faisant une question de sécurité nationale.
Les temps, on le sait tous, ont changé sur Pennsylvania Avenue. L’engagement américain dans ces grandes crises internationales a été considérablement réduit, les budgets coupés et les experts retirés du terrain. Par chance, les Canadiens, les Britanniques et les équipes de Médecins sans frontières demeurent présentes, malgré le danger constant.
Une lueur d’espoir prend lentement de l’ampleur, un vaccin expérimental, mis au point chez nous et maintenant distribué par le géant pharmaceutique Merck. Dans la région où cette dernière éclosion du virus est survenue, plus de 27 000 personnes ont été vaccinées et aucune d’entre elles n’a jusqu’à maintenant développé la fièvre mortelle.
Il s’agit de prendre de vitesse les combattants sur le terrain et le virus chez les malades. Autrement, c’est un peu partout que cette épidémie aussi étrange qu’effrayante finira par se propager.