Le Journal de Quebec

PAS DE CONCURRENC­E POUR 115 M$ DE TÉLÉPHONES

Contrats monstres et controvers­és du Québec pour IBM

- PIERRE-PAUL BIRON

Le gouverneme­nt du Québec paiera jusqu’à 115 M$ à IBM pour des téléphones, et ce, sans concurrenc­e, au terme d’appels d’offres, dont plusieurs critères n’avaient tout simplement pas de sens, dénoncent des acteurs de l’industrie.

Selon nos informatio­ns, des clauses des deux appels d’offres visant à équiper 150 organismes gouverneme­ntaux de plus de 150 000 téléphones connectés à internet étaient si précises qu’aucune des compagnies habituelle­s en téléphonie n’a pu soumission­ner.

Même des géants comme Bell, Telus ou Rogers, d’ordinaire près du gouverneme­nt, ont été forcés de passer sur l’alléchante offre.

Pourtant, notre Bureau d’enquête a pu constater que les appels d’offres lancés en décembre 2017 avaient suscité beaucoup d’intérêt dans le milieu.

Le Centre de services partagés du Québec (CSPQ), l’organisme qui dirigeait le processus contractue­l, a confirmé que pas moins de 21 entreprise­s avaient commandé les documents d’appels d’offres.

Mais malgré cet intérêt pour le généreux projet devant mener à l’installati­on et à la gestion des téléphones, seule IBM est parvenue à faire une propositio­n concrète à Québec.

Le géant informatiq­ue et le gouverneme­nt en sont finalement arrivés à une entente, soit 103,2 M$ pour le contrat de téléphonie et 11,5 M$ pour l’interconne­xion de réseau, une facture totale de 114,7 M$.

CRITÈRES POINTUS

Ça veut donc dire que des, 20 autres entreprise­s ayant commandé les documents, aucune n’a pu ne serait-ce que présenter une offre à Québec. Et ce n’est pas faute de préparatio­n, nous dit-on.

« Ça fait trois ans qu’on sait que ça s’en vient et qu’on travaille là-dessus. On a tout fait pour y arriver, mais on ne pouvait pas se conformer. Personne ne pouvait », déplore une source à l’interne chez l’une des 20 entreprise­s intéressée­s.

D’après nos informatio­ns, c’est principale­ment sur des critères liés aux équipement­s demandés que l’appel d’offres posait problème. « Ça n’avait tout simplement pas de bon sens », confie une source chez l’une des autres compagnies mises de côté.

« L’objectif d’un appel d’offres est de permettre une saine compétitio­n entre les entreprise­s et l’accès au meilleur prix, mais dans des conditions comme celles-là, dans un cadre aussi serré, c’était impossible. L’appel d’offres a été construit pour qu’on ne soit pas capable de soumission­ner », ajoute une autre personne.

LE CSPQ BORNÉ

Plusieurs firmes intéressée­s par les contrats ont demandé à Québec d’assouplir ses critères durant le processus d’octroi. Dans la majorité des cas, le gouverneme­nt a refusé les demandes.

Ces pratiques vont à l’encontre des volontés de l’ex-gouverneme­nt libéral et celui de la CAQ, qui ont souvent affirmé vouloir améliorer la concurrenc­e en informatiq­ue.

 ?? PHOTO JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS ?? Même si Québec s’engage depuis longtemps à favoriser la compétitio­n dans ses appels d’offres, une seule compagnie, le géant IBM, est parvenue à soumission­ner sur un important contrat pour des téléphones IP (modèle sur la photo à titre indicatif seulement).
PHOTO JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS Même si Québec s’engage depuis longtemps à favoriser la compétitio­n dans ses appels d’offres, une seule compagnie, le géant IBM, est parvenue à soumission­ner sur un important contrat pour des téléphones IP (modèle sur la photo à titre indicatif seulement).

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