Le Journal de Quebec

Les élites écolos

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com

Dans un souci de fédérer des gens de toutes opinions, qui honore les organisate­urs, on m’a offert de signer le Pacte pour la transition écologique de Dominic Champagne. J’ai réfléchi tout un week-end avant de dire non, merci. On m’a appris que les journalist­es ne doivent s’associer à aucune cause.

Nous, les chroniqueu­rs, avons des tribunes extraordin­aires d’où partager et expliquer nos positions. Par exemple, je crois aux changement­s climatique­s. Je crois que l’humain y est pour beaucoup, qu’il est tard pour réagir, et que nous devrions travailler plus à en mitiger les effets.

ERREUR

J’ai enfreint la règle une seule fois en signant le manifeste des Inclusifs pendant la crise de la charte des valeurs. J’étais – et je demeure – contre l’interdicti­on mur à mur des signes religieux pour les employés de l’état. Mais des cosignatai­res m’ont critiquée en public pour d’autres prises de position moins appréciées, concernant d’autres sujets.

Il faut être très prudent avant de devenir compagnon de route d’une cause.

Retour à ce pacte écologique. Se trouvent, parmi les 400 premiers signataire­s, beaucoup de noms d’artistes qu’on associe spontanéme­nt à la gauche : Micheline Lanctôt, Emmanuel Bilodeau, Richard Séguin, Dan Bigras, etc., et quelques personnali­tés du milieu « populaire ». Des vedettes aussi aimées des Québécois que le sont Véronique Cloutier, Mario Pelchat, Gino Chouinard, Caroline Néron et Marc Dupré.

Bel effort d’inclusivit­é, mais le pacte garde son odeur d’élitisme. La liste des 400 signataire­s, incluant des artistes, des universita­ires et des gestionnai­res d’économie sociale, pourrait se lire comme le bottin du Triangle d’or : Plateau, Mile-end, Outremont, Saint-lambert. Des gens bien, qui pensent bien, qui s’aiment bien et qui compostent depuis des décennies. Des gens qui écoutent Klô Pelgag (Chloé Pelletier-gagnon) et Mozart.

PAS D’ANGLOS ?

Chez les artistes, où sont les artistes comme Ginette Reno, Maxime Landry, Marie-mai, Ludovic Bourgeois ? Et les Anglos ? Y’a pas d’anglos au Québec ? Pas d’arcade Fire ? D’adam Cohen ? Rufus et Martha ?

C’est bien d’avoir Guy Laliberté, mais il y a des riches plus rassembleu­rs que d’autres : Jean Coutu, Pierre Karl Péladeau, Joey Saputo. Que sais-je, Alexandre Taillefer et ses taxis électrique­s !

Le jour où le nom de Dominic Champagne côtoiera celui d’alain Bouchard, président de Couche-tard, celui du rapper Souldia, de Guylaine Tanguay, de Michel Louvain et de Carey Price sur un pacte écologique, ce sera parce que l’élite culturelle aura compris que sa crédibilit­é lui vient du peuple et non pas de sa propre importance.

Et l’élite des affaires, ce sera parce qu’elle aurait intérêt à faire comme s’il se passait vraiment quelque chose.

LA RUE COMPTE

Les manifestat­ions de dimanche ont été plus inclusives, mais, pour faire bouger les gouverneme­nts sur des enjeux universels et gigantesqu­es comme l’environnem­ent, il faudrait que des centaines de milliers de gens ordinaires, de tous les milieux, descendent dans les rues, se fassent voir et entendre, tout le temps, partout.

Une chose : pour rassembler les gens, mieux vaut laisser les banderoles « marteau et faucille soviétique­s » à la maison. Ces symboles effraient les plus vieux, qui savent ce qu’ils signifient. Ils savent que scander ca-pi-ta-lis-me n’a jamais amélioré quoi que ce soit sur Terre.

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