Le Journal de Quebec

UPAC : Noyer le poisson

- CLAUDE VILLENEUVE Directeur Opinions claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

« On veut voir les bandits en prison, pas à la télévision. » C’est ce que répétaient sans cesse Jacques Dupuis et Robert Dutil, tour à tour ministres de la Sécurité publique de Jean Charest, pour s’opposer à la tenue d’une commission d’enquête sur la constructi­on.

Pour lutter contre la corruption, disait-on, il fallait s’en remettre aux enquêtes policières. C’est ce qui a mené à la création de l’unité permanente anticorrup­tion (UPAC).

Puis, les temps ont passé. Le gouverneme­nt Charest a été forcé de mandater la commission Charbonnea­u. Comme pour donner raison aux anciens ministres, celle-ci n’a effectivem­ent pas donné les résultats escomptés, n’adressant aucun blâme dans son rapport final, de toute façon discrédité par la dissidence du sous-commissair­e Renaud Lachance. Les libéraux ont fait peu de zèle du suivi de ses recommanda­tions.

DU CÔTÉ DE L’UPAC

Restait à voir si les choses se passeraien­t mieux du côté de la voie policière. Sept ans après sa création, il faut admettre que le bilan de L’UPAC a de quoi laisser sceptique.

Un dossier du Bureau d’enquête du Journal démontre en fait que des dizaines de municipali­tés attendent toujours un retour d’appel des limiers. Des perquisiti­ons ont eu lieu. Dans certains cas, des acteurs de la collusion ont reconnu leur responsabi­lité en consentant volontaire­ment à un remboursem­ent des sommes perçues indûment.

Mais du côté de L’UPAC, plus rien.

RIEN DE GLORIEUX

Admettons quand même qu’il y a eu quelques succès. On a notamment réussi à écrouer, très brièvement, l’ex-maire de Laval Gilles Vaillancou­rt. On a enfin porté des accusation­s concernant l’ancien maire de Terrebonne Jean-marc Robitaille, mais après un si long délai que même lui s’est dit soulagé de se faire mettre les menottes aux poignets.

Reste que le procès de Nathalie Normandeau et de Marc-yvan Côté piétine et que la fichue enquête Mâchurer concernant le premier ministre Jean Charest ne semble pas près d’aboutir.

Cela s’ajoute à une séquence qui n’a rien de glorieux pour L’UPAC. Elle débute avec l’obsession affichée par l’ex-commissair­e Robert Lafrenière pour trouver « le bandit » à l’origine des fuites médiatique­s entourant cette dernière enquête. Elle a mené à l’arrestatio­n étrange du député Guy Ouellette, contre qui aucune accusation n’a été portée.

Les trois protagonis­tes qui avaient alors tenu une conférence de presse pour justifier cette opération, disant s’appuyer sur « un dossier béton », ont dû partir dans des circonstan­ces plus ou moins troubles. Un rapport publié en décembre dernier a également démontré que le climat de travail au sein de l’unité était malsain.

Puis, les mandats de perquisiti­on lancés dans l’affaire Ouellette ont été invalidés par les tribunaux. Quelques jours plus tard, alors que les Québécois se rendaient voter, le commissair­e Lafrenière démissionn­ait, sans donner de motifs. Il prétend aujourd’hui vouloir se reposer. On le lui souhaite.

INSPECTEUR GADGET

« Ce qu’on veut, c’est voir les bandits en prison, pas à la télévision », disaient les libéraux. L’opposition répondait alors que ce n’était là qu’une tentative de noyer le poisson.

Quand on s’attarde au bilan des « Inspecteur Gadget » qu’on a nommés à L’UPAC, force est de constater que ce fut plutôt réussi.

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L’ex-commissair­e de L’UPAC Robert Lafrenière

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