Militaires expulsés pour inconduite sexuelle
Depuis trois ans, les Forces armées canadiennes ont libéré 74 de leurs membres
OTTAWA | Environ 25 militaires ont été expulsés des Forces armées canadiennes (FAC) pour des inconduites sexuelles chaque année depuis la mise en place d’une opération pour combattre ces comportements à l’été 2015.
Au total, pas moins de 74 membres des FAC ont été libérés entre août 2015 et septembre 2018, tandis que 47 autres militaires ont été retirés de positions de commandement relativement à des plaintes de « comportements sexuels dommageables et inconvenants », révèle un document déposé à la Chambre de Communes au début du mois de novembre.
C’est le résultat d’une vague historique de dénonciations et de sanctions initiée par le lancement d’opération HONOUR il y a trois ans. Celle-ci est la première dans l’histoire des FAC qui veut éradiquer les inconduites sexuelles qui proliféraient chez les militaires et passaient régulièrement sous silence.
« Le chef d’état-major de la défense a bien fait comprendre que les militaires qui ne respectent pas les ordres et qui continuent de se comporter de façon inappropriée n’ont pas leur place au sein des Forces armées canadiennes », a commenté le ministère de la Défense nationale.
« C’est une bonne nouvelle pour les Forces parce que ça démontre qu’il y a de l’action, mais c’est une mauvaise nouvelle parce que ces chiffres sont comme de la poudre aux yeux pour tenter de cacher les nombreux problèmes qui existent encore dans l’organisation dans la lutte contre l’inconduite sexuelle », note Me Michel Drapeau, un avocat spécialisé en droit militaire.
MINÉ PAR LES DÉLAIS
Selon lui, le processus de dénonciation d’inconduite sexuelle continue à être miné par des délais « extraordinairement longs » entre le dépôt d’une plainte par une victime et la fin du processus judiciaire militaire.
Selon les documents obtenus par Le Journal, il faut en moyenne 134 jours entre l’enregistrement d’une plainte et le dépôt d’accusations par la police militaire.
Mais le processus est loin d’être complet à ce moment-là. Ces accusations doivent être examinées par un procureur militaire, qui doit s’assurer que le dossier tiendra la route devant un juge avant de se rendre devant une Cour martiale.
Le résultat : il a fallu entre 441 (1,2 an) et 1633 jours (4,5 ans) pour se rendre d’un signalement à la déclaration de plainte dans les 11 cas depuis l’été 2015 où un agresseur a été retrouvé coupable par la Cour.
« C’est complètement inacceptable. Comment est-ce qu’on peut vouloir encourager une victime à porter plainte à la police militaire quand son histoire va juste traîner pendant des années avant de mener à un jugement », dénonce Me Drapeau. - Avec la collaboration d’émilie Bergeron