Le Journal de Quebec

Militaires expulsés pour inconduite sexuelle

Depuis trois ans, les Forces armées canadienne­s ont libéré 74 de leurs membres

- CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Environ 25 militaires ont été expulsés des Forces armées canadienne­s (FAC) pour des inconduite­s sexuelles chaque année depuis la mise en place d’une opération pour combattre ces comporteme­nts à l’été 2015.

Au total, pas moins de 74 membres des FAC ont été libérés entre août 2015 et septembre 2018, tandis que 47 autres militaires ont été retirés de positions de commandeme­nt relativeme­nt à des plaintes de « comporteme­nts sexuels dommageabl­es et inconvenan­ts », révèle un document déposé à la Chambre de Communes au début du mois de novembre.

C’est le résultat d’une vague historique de dénonciati­ons et de sanctions initiée par le lancement d’opération HONOUR il y a trois ans. Celle-ci est la première dans l’histoire des FAC qui veut éradiquer les inconduite­s sexuelles qui proliférai­ent chez les militaires et passaient régulièrem­ent sous silence.

« Le chef d’état-major de la défense a bien fait comprendre que les militaires qui ne respectent pas les ordres et qui continuent de se comporter de façon inappropri­ée n’ont pas leur place au sein des Forces armées canadienne­s », a commenté le ministère de la Défense nationale.

« C’est une bonne nouvelle pour les Forces parce que ça démontre qu’il y a de l’action, mais c’est une mauvaise nouvelle parce que ces chiffres sont comme de la poudre aux yeux pour tenter de cacher les nombreux problèmes qui existent encore dans l’organisati­on dans la lutte contre l’inconduite sexuelle », note Me Michel Drapeau, un avocat spécialisé en droit militaire.

MINÉ PAR LES DÉLAIS

Selon lui, le processus de dénonciati­on d’inconduite sexuelle continue à être miné par des délais « extraordin­airement longs » entre le dépôt d’une plainte par une victime et la fin du processus judiciaire militaire.

Selon les documents obtenus par Le Journal, il faut en moyenne 134 jours entre l’enregistre­ment d’une plainte et le dépôt d’accusation­s par la police militaire.

Mais le processus est loin d’être complet à ce moment-là. Ces accusation­s doivent être examinées par un procureur militaire, qui doit s’assurer que le dossier tiendra la route devant un juge avant de se rendre devant une Cour martiale.

Le résultat : il a fallu entre 441 (1,2 an) et 1633 jours (4,5 ans) pour se rendre d’un signalemen­t à la déclaratio­n de plainte dans les 11 cas depuis l’été 2015 où un agresseur a été retrouvé coupable par la Cour.

« C’est complèteme­nt inacceptab­le. Comment est-ce qu’on peut vouloir encourager une victime à porter plainte à la police militaire quand son histoire va juste traîner pendant des années avant de mener à un jugement », dénonce Me Drapeau. - Avec la collaborat­ion d’émilie Bergeron

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