Le Journal de Quebec

Dérives de l’université

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

L’université Mcgill doit-elle abandonner le nom de « Redmen » pour ses équipes sportives masculines ?

Un référendum organisé par les étudiants s’est soldé par un oui à 79 %, sauf que 72 % d’entre eux n’ont pas voté.

Ce n’est donc pas un enjeu important pour la majorité des étudiants.

L’affaire illustre bien ce que deviennent nos université­s.

POUVOIR

L’associatio­n étudiante voit dans ce nom le symbole d’un « comporteme­nt oppressif et raciste » envers les Autochtone­s.

L’administra­tion explique qu’il renvoie à la couleur des chandails ou, possibleme­nt, au fait que James Mcgill était Écossais, et que beaucoup d’écossais sont roux.

Bref, les « Redmen » ne sont pas les « Redskins ».

Vous devinez mes vues, mais l’affaire illustre surtout ce que deviennent nos université­s.

Pour schématise­r, deux contingent­s d’étudiants ont plus d’influence que les autres.

Le premier contingent influent regroupe les étudiants qui visent une profession libérale : médecine, droit, génie, comptabili­té, etc.

Ils veulent un emploi sûr, de l’argent, un statut social.

Ils ne vont pas à l’université par curiosité intellectu­elle, mais pour obtenir les titres profession­nels que le marché exige.

Ils rapportent à l’université argent, prestige, classement­s dans les palmarès internatio­naux, donations philanthro­piques, etc.

Il en faut, certes, mais on pourrait les souhaiter un peu moins calculateu­rs et davantage citoyens.

Leurs professeur­s gèrent leurs propres carrières : recherche, publicatio­ns, subvention­s, colloques, etc.

L’enseigneme­nt est surtout assuré par des chargés de cours.

L’autre contingent influent, c’est cette poignée d’étudiants activistes dans les sciences humaines.

Ils savent que leurs débouchés profession­nels sont terribleme­nt incertains. Ceux-là veulent surtout éliminer les injustices de notre monde.

Il en faut, bien sûr, mais on pourrait les souhaiter moins indignés à temps plein, moins certains d’avoir toujours raison, plus ouverts au doute et au questionne­ment.

Comme les injustices sont insidieuse­ment « systémique­s », ils en voient partout.

Dans leurs départemen­ts, beaucoup d’idéologie se déguise en science.

On leur inculque deux idées centrales, liées entre elles, issues de théories dites post moderniste­s, structural­istes, néo marxistes, etc.

Premièreme­nt, on leur dit que la société repose d’abord sur une structure de domination.

Tel objet est donc un symbole phallique, tel homme est l’archétype du patriarcat dominateur, et tel domestique est emblématiq­ue de toutes les minorités ethniques opprimées.

L’oppression se construit notamment sur le langage. On traquera donc les mots « oppressant­s » comme « Redmen ».

RECUL

Deuxièmeme­nt, on leur martèle qu’il n’y a pas une réalité objective : tout est construit, subjectif, relatif, tout n’est que discours.

Comme tout est subjectif, leur propre subjectivi­té devient reine. Ce qui est important, c’est ce qu’ils pensent et ressentent.

Ils se sentiront donc légitimés de censurer les conférenci­ers dont les propos leur déplaisent.

Quelques-uns de leurs professeur­s feront parfois office de véritables gourous.

Ces étudiants soulèveron­t des controvers­es que nos médias vont mousser. Les administra­tions calmeront le jeu en cédant.

C’est ainsi que reculent la transmissi­on d’un patrimoine intellectu­el commun, et l’authentiqu­e liberté de penser et de débattre.

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