Le Journal de Quebec

Une présumée victime voulait « protéger » Guillot

Le garçon ne voulait pas tout dire à la police par crainte d’être « jugé par Dieu »

- SOPHIE CÔTÉ

« Il m’a demandé de garder le plus possible confidenti­el ce qui s’est passé chez lui. Je veux le protéger, c’est mon pasteur. Je ne veux pas qu’il fasse de la prison. Tous les gestes posés l’ont été sagement. Tout ce qui a été fait, il n’y a rien de mauvais. »

L’interrogat­oire policier de Maxime (prénom fictif), l’une des six présumées victimes de Claude Guillot, a été présenté hier à la cinquième semaine du procès du pasteur baptiste de 68 ans.

Questionné par l’enquêteur David Gionet pendant deux heures en décembre 2014 sur les « conséquenc­es » que lui auraient fait subir le pasteur pendant les six ans passés à son école clandestin­e, le jeune homme de 17 ans répète qu’il ne veut pas parler de certaines choses « personnell­es » et « confidenti­elles », comme le lui a demandé Guillot.

Maxime avait quitté la résidence du pasteur quelques mois plus tôt, parce que Guillot ne pouvait plus tolérer qu’il « désobéisse » en se masturbant sous son toit, dit-il. « Je le considère comme un père et je ne veux pas le blesser. En plus, c’est mon pasteur, je lui dois le double honneur », dit Maxime, assis avec son cartable sur les genoux.

DES « TRAÎTRES »

Quand le policier évoque que selon d’autres garçons, il aurait été à une occasion privé de 11 repas consécutif­s – « un record » – et aurait déjà reçu des coups et des gifles de Guillot, Maxime s’en prend à ceux qui ont dénoncé le pasteur.

« Quelqu’un l’a trahi et l’a accusé d’avoir fait des abus physiques qui sont inexistant­s. Ce sont des calomnies. Les gens qui ont raconté ça, ce sont des traîtres », lâche le garçon.

Il admet avec un sourire timide avoir « réussi » 8000 squats imposés par Guillot. « C’était pour me défier. C’était vraiment un exercice de motivation », assure-t-il, visiblemen­t convaincu.

« PAR AMOUR »

« Les conséquenc­es étaient données avec amour, c’était pour nous aider à avancer et pour nous apprendre à obéir », répète-t-il à l’enquêteur.

Si au début de l’interrogat­oire, Maxime n’admettait qu’avoir fait quelques compositio­ns et avoir été parfois privé de dessert, à la fin, il concède difficilem­ent avoir été frappé à quelques reprises par l’accusé, tout comme d’autres garçons placés chez Guillot.

« C’était quand je résistais beaucoup, il disait qu’il n’avait plus le choix de le faire. C’était par amour. Il voulait m’aider pour ne pas que je me retrouve à la DPJ. C’était le dernier recours. »

Quatre ans plus tard, Maxime n’a plus le même discours. Après le visionneme­nt, il a expliqué avoir vu un garçon « qui essaie de couvrir des crimes commis à l’égard d’enfants et de sauver la peau de la personne qui les a commis », « en disant ce que cette personne voulait qu’il dise ».

« Je me disais “Dieu va me juger”. Si j’en parle, je trahis Guillot et je ne veux pas aller en enfer », explique le jeune homme de 21 ans, à la barre depuis lundi. Aujourd’hui, il n’hésite pas à dire que les milliers de squats qu’il a dû compléter sous l’ordre de Guillot, qui imposait un régime « militaire », étaient « de la torture ».

Maxime, sixième et dernière présumée victime à témoigner au procès, sera contre-interrogé par l’avocate de Guillot dès ce matin.

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PHOTO D’ARCHIVES, SIMON CLARK Le pasteur baptiste Claude Guillot à son arrivée au poste de police de Québec le 9 décembre 2015.

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