Le Journal de Quebec

La grande cassure

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com

La souveraine­té du Québec est-elle inéluctabl­e ? Réponse courte : non. Le Parti québécois est-il éternel ? Non plus. Au bout de 20 ans de déclin, ces questions, le Parti québécois devra se les poser. Sans complaisan­ce ni déni.

Et surtout, celle-ci : comment reprendre le bâton du pèlerin de l’indépendan­ce, alors que les péquistes l’ont eux-mêmes laissé tomber depuis le dernier référendum ? Car s’il est vrai que les raisons du déclin du PQ sont multiples, une domine toutes les autres.

Cette raison est la mise en veilleuse répétée de son option depuis 20 ans dans l’espoir trompeur d’en récolter le pouvoir. Le « virage identitair­e » de la charte des valeurs suivi de la convergenc­e refusée par Québec solidaire lui assénant le coup de grâce.

Privé de sa raison d’être, le mouvement souveraini­ste, dont le PQ, le Bloc québécois et ses alliés traditionn­els, s’est disloqué. Flairant la belle affaire, la CAQ et QS festoient sur ses restes.

Au fil des ans, le mouvement souveraini­ste s’est disloqué.

COUP DE GRÂCE

La réalité est claire. À force d’oublier sa raison d’être, le PQ a cessé d’être utile. En taisant son option, il a aussi perdu son carburant le plus précieux : les jeunes. Elle est là, la grande cassure. Les génération­s précédente­s ont été politisées par le grand débat souveraini­ste-fédéralist­e.

Les plus jeunes, eux, ont grandi dans le vide. Un vide créé par le double silence du PQ sur la souveraine­té et des libéraux sur un fédéralism­e renouvelé devenu impossible.

Avant son décès, Jacques Parizeau, d’une lucidité brutale, disait du PQ qu’il était devenu un « champ de ruines ». Jusqu’à sa mort récente, Bernard Landry, tout au contraire, s’est fait espérant. En cela, ils ont préfiguré les deux grands pôles actuels de la famille souveraini­ste.

D’un côté, il y a ceux qui, comme M. Parizeau, savent la souveraine­té plus nécessaire que jamais, mais dont le froid constat est que les dommages étant ce qu’ils sont, elle ne se réalisera peut-être pas.

De l’autre, il y a ceux qui, comme M. Landry, croient non seulement en la nécessité de l’indépendan­ce, mais aussi à son inéluctabi­lité presque naturelle. Pendant que se jouera la survie de l’idée même d’indépendan­ce, les porteurs de ces deux perspectiv­es devront pourtant travailler ensemble.

REFONDATIO­N ?

Leur plus grand défi, il est là. Comment marier la lucidité et l’espoir ? Comment le faire au moment même où, en plus, une CAQ nationalis­te s’installe solidement au pouvoir. Durement affaibli, le PQ trouvera-t-il les moyens de ramer dorénavant à contre-courant ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Pour certains, dont l’ex-député péquiste Jean-martin Aussant, l’heure est à la refondatio­n du mouvement souveraini­ste. On y devine le souhait d’un nouveau véhicule politique, moderne, indépendan­tiste et ouvert aux communauté­s culturelle­s rebutées par la charte des valeurs.

En même temps, d’autres refuseront de saborder le PQ pour le faire. D’autres rentreront simplement dans leurs terres. D’autres encore, toujours souveraini­stes, auront néanmoins fait leur deuil de sa faisabilit­é dans un horizon raisonnabl­e. Une partie d’entre eux choisit ou choisira la CAQ ou QS.

Voilà la pleine mesure de ce qui attend les leaders souveraini­stes, les citoyens dont ça demeure le rêve et les militants restants qui, discrèteme­nt, attendent le signal d’une possible renaissanc­e. Pour cette idée d’un pays, les prochaines années seront décisives.

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Messieurs Jacques Parizeau et Bernard Landry

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