Le Journal de Quebec

GIRARD

Confiance minée

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À la suite de l’enquête que vient de déclencher l’autorité des marchés financiers (AMF) sur les transactio­ns de vente d’actions que les hauts dirigeants de Bombardier font par l’entremise d’un Régime d’aliénation de titres automatiqu­e (RATA) récemment créé, le titre de Bombardier a poursuivi hier sa gigantesqu­e débandade.

Alain Bellemare est-il encore l’homme de la situation chez Bombardier, dont la valeur boursière s’est effondrée de 9,4 milliards de dollars en quatre mois, l’action chutant de 70 % entre le 11 juillet dernier (5,58 $) et la fermeture hier à 1,67 $.

Président et chef de la direction depuis le 13 février 2015, M. Bellemare se retrouve aujourd’hui au coeur de la crise de confiance qui secoue Bombardier depuis le 8 novembre, jour de dévoilemen­t des résultats au 30 septembre 2018.

Son annonce des « mesures stratégiqu­es » visant la mise à pied de 5000 employés (2500 au Québec), la vente de la Q Series et de la division de la formation des pilotes et technicien­s, et les problèmes de liquidités… a été très mal reçue par les investisse­urs.

M. Bellemare n’a pas aidé « sa » cause en laissant entendre par la suite que le programme de jets régionaux CRJ était lui aussi en révision et que le ménage au sein de l’entreprise n’était pas terminé.

L’IMPRUDENCE

Qu’un PDG d’une multinatio­nale, à la suite d’un trimestre, annonce des résultats décevants aux yeux des actionnair­es et des analystes, ce n’est pas une raison pour remettre en question son poste.

Mais qu’un PDG, comme M. Bellemare, fasse preuve d’imprudence en voulant personnell­ement liquider des blocs d’actions alors qu’il allait prendre des « mesures stratégiqu­es » susceptibl­es d’influencer le cours de l’action, ce n’est guère rassurant.

Il faut savoir que les dirigeants des entreprise­s cotées en Bourse n’ont pas le droit d’effectuer des transactio­ns (achat ou vente) quand ils détiennent des informatio­ns privilégié­es non encore dévoilées publiqueme­nt.

Lorsqu’il a transféré le 15 août dernier ses 7 millions d’options exerçables en vue de vendre les actions acquises, M. Bellemare estimait que « les mesures stratégiqu­es » qu’il allait prendre (mais non encore connues) ne constituai­ent pas une informatio­n privilégié­e.

LA RÉACTION DES INVESTISSE­URS

La réalité ? Les « mesures stratégiqu­es » qui ont été annoncées le 8 novembre ont finalement accéléré la déconfitur­e de Bombardier en Bourse.

Il s’adonne que le cours de l’action de Bombardier avait démarré sa sévère chute dans les semaines qui ont précédé le dévoilemen­t des « mesures stratégiqu­es ». En Bourse, il y a toujours des investisse­urs « visionnair­es » au point où ils devinent l’impact des nouvelles à venir !

D’ailleurs, dans le cadre de son enquête sur Bombardier, L’AMF devrait également examiner les transactio­ns que les « visionnair­es » ont effectuées au cours des quatre semaines qui ont précédé le dévoilemen­t des décevants résultats de Bombardier. Le titre de Bombardier avait déjà subi une chute de 32 % au cours de cette période.

DES LEVÉES DE CAPITAUX DE 5 G$

Sous le règne de M. Bellemare, les investisse­urs ont investi 5,4 milliards de dollars.

– Québec : 1,3 milliard $ dans la survie de la C Series

– Caisse de dépôt : 2 milliards $ dans Bombardier Transport

– Fédéral : 372 millions $ en avances

– Février 2015 : 1,1 milliard $ en droits de souscripti­on

– Mars 2018 : 700 millions $ en actions

La veille de l’arrivée en poste d’alain Bellemare, le 12 février 2015, l’action de Bombardier valait 2,67 $. Hier, Bombardier fermait la semaine à 1,67 $. La capitalisa­tion boursière de Bombardier s’élève aujourd’hui à seulement 4,1 milliards $, soit un milliard de moins que les levées de capitaux de M. Bellemare.

QUOI ?

Après sa rencontre hier avec Alain Bellemare, le nouveau ministre de l’économie, Pierre Fitzgibbon, a laissé entendre que le gouverneme­nt Legault n’était pas fermé à l’idée d’investir dans un partenaria­t pouvant sauver, cette fois, le programme des jets régionaux CRJ.

J’ai mon voyage !

 ??  ?? Alain Bellemare (président et chef de la direction), Pierre Beaudoin (président exécutif du conseil d’administra­tion) et Laurent Beaudoin (auparavant, président émérite) lors d’une récente assemblée annuelle des actionnair­es.
Alain Bellemare (président et chef de la direction), Pierre Beaudoin (président exécutif du conseil d’administra­tion) et Laurent Beaudoin (auparavant, président émérite) lors d’une récente assemblée annuelle des actionnair­es.
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