Son agresseur et prof de karaté aurait fait d’autres victimes
Son « superhéros » a fait 27 mois de prison pour l’avoir violée lorsqu’elle avait 12 ans
Une femme agressée à 12 ans par son professeur de karaté a fait tomber l’interdit de publication qui protégeait son identité pour se libérer de son lourd secret et surtout inciter d’autres victimes de son agresseur à briser le silence.
« J’étais toute seule [...] Je partais à zéro, je m’attaquais à un bon citoyen travaillant. Je suis partie de loin, mais [les autres victimes] ont un grand bout de fait », plaide Marjolaine Richard, qui vit à Saint-constant, en Montérégie.
Si elle lève le voile sur son douloureux passé et qu’elle est retournée en cour pour avoir le droit d’en parler publiquement, c’est parce qu’elle sait qu’elle n’est pas la seule victime de son ancien professeur de karaté à Lévis, Henri Caron.
Depuis qu’elle a porté plainte en 2010, elle dit avoir parlé à deux autres personnes qui lui ont confié avoir été agressées par lui. Mais ces personnes craignent de porter plainte.
« On reprend le pouvoir sur nos vies », lance la femme de 45 ans, qui ne s’est jamais sentie aussi libre depuis que son calvaire d’une nuit avec celui qu’elle considérait comme un père a été entendu et cru par la justice.
SON « SUPERHÉROS »
Caron était son « superhéros », dit-elle. Comme le père qu’elle n’avait jamais eu le temps de connaître, jeune fille délaissée par une mère alcoolique qu’elle était. Un adulte qui s’intéressait enfin à elle.
Elle se sentait en sécurité… jusqu’à ce qu’un soir, Caron vienne à plusieurs reprises dans la chambre où elle s’était couchée, pour la violer. « J’ai figé », se souvient avec émotion Mme Richard.
« Je me suis dit que j’allais faire semblant de dormir et qu’il arrêterait de revenir, mais il revenait tout le temps », poursuit-elle d’une voix calme.
Son agresseur lui a d’abord caressé la poitrine et graduellement, les gestes ont empiré. Elle a raconté à la cour comment il l’avait incitée à poser des gestes de masturbation et de fellation, puis qu’il avait tenté de la pénétrer.
Seule avec son secret pendant toutes ces années, elle a longtemps pensé que c’est elle qui avait fait « quelque chose de mal » ce soir-là.
Les événements ont eu lieu au milieu des années 1980 alors que son groupe de karaté s’était réuni chez un membre du club après une compétition à Lévis.
ABUS DE CONFIANCE
Elle le connaissait à l’époque depuis trois ans, et cet abus de confiance de la part d’un homme qu’elle admirait autant l’a brisée.
« Qu’est-ce que j’ai fait ? » s’est-elle longtemps demandé.
« Ça a été long avant d’être capable d’en parler, de comprendre », admet-elle.
Mme Richard raconte avoir continué de s’adonner au karaté par la suite, mais elle gardait ses distances avec son professeur, s’arrangeant pour ne plus jamais être seule avec lui.
Puis, elle a rangé ce terrible souvenir dans un coin de sa mémoire et elle a essayé de passer à autre chose. Mais l’agression a laissé des séquelles chez cette mère de cinq enfants.
Encore aujourd’hui, elle a de la difficulté à faire confiance aux gens. Elle a souvent l’impression que si une personne est gentille avec elle, c’est pour avoir quelque chose en retour. Ses relations amoureuses ont écopé durement.
« Je me vengeais sur les mauvaises personnes », explique-t-elle.
ENTOURÉ D’ENFANTS
Un soir sur internet, elle a voulu savoir ce que devenait son bourreau. Elle a alors vu qu’il avait déménagé à Trois-rivières, où il enseignait toujours le karaté entouré d’enfants.
En moins de 30 minutes, elle embarquait dans sa voiture et se rendait à la police pour le dénoncer. C’était assez.
Trois ans plus tard, en mars 2013, Caron a été envoyé derrière les barreaux pour 27 mois.
Auparavant, elle avait longtemps hésité, se faisant dire qu’on ne la croirait pas et que ça ne changerait rien.
Mais ce qu’elle retient plutôt de son expérience, c’est qu’on l’a crue dès le départ et que les policiers et les procureurs l’ont accompagnée tout au long du processus judiciaire.
Elle ne cache pas que les années qui se sont écoulées entre la plainte et le procès ont été éprouvantes. Ses proches ont douté d’elle.
« Ma grand-mère m’a dit que j’étais méchante de faire ça à un bon gars », souffle-t-elle.
« Personne n’est venu m’appuyer, mais je ne le regrette pas », dit-elle.
« Nous ne sommes pas condamnés avec notre secret. Tant et aussi longtemps que tu dis la vérité, les gens vont te croire », plaide-t-elle.
Et si les agresseurs savent qu’ils ne peuvent pas garder leurs victimes dans le silence, ditelle, peut-être qu’ils y penseront à deux fois.