Festin pour requins
Même à la CAQ, certains le reconnaissent, la courte session parlementaire qui s’ouvrira mardi prochain à l’assemblée nationale risque d’exposer cruellement le manque d’expérience des nouveaux ministres du gouvernement Legault.
« Il va sûrement y avoir des moments d’anthologie qui vont sortir de là, mais ça fait partie de la game », a admis un élu caquiste qui ne se berce pas d’illusions. Pas moins de 16 ministres du gouvernement de la CAQ n’ont jamais siégé au salon Bleu.
En 2007, la présence d’une brochette de recrues adéquistes au sein de l’opposition officielle avait fourni un lot de moments hilarants. Cette fois-ci, les nouveaux ont plus d’envergure, mais ils se retrouvent au gouvernement.
Élus depuis le premier octobre, ils ont été préparés par le personnel de la CAQ à faire face aux prédateurs de l’opposition, qui ont les yeux brillants depuis les impromptus de presse énigmatiques de Mariechantal Chassé, de l’environnement, et Jonatan Julien, de l’énergie, pour ne nommer que ceux-là.
« Comme il n’y a que deux semaines de session, ça va permettre de faire des ajustements, de travailler des choses pour arriver meilleur en fé- vrier », a reconnu une source gouvernementale.
PRATIQUES ET SIMULATION
La CAQ a tenu des simulations de période de questions, dont une hier au salon Bleu, afin de « pratiquer » ses ministres.
Certains ont des talents de communicateurs, mais « oui, ils reconnaissent que c’est plus dur que ça en a l’air », nous dit-on.
Ils ont surtout été conseillés par le leader Simon Jolin-barrette, qui agira comme chef d’orchestre à la période de questions, et des élus d’expérience comme Éric Caire.
Les caquistes doivent sentir la pression monter à quelques jours du lancement des hostilités. On a beau dire que des améliorations peuvent être apportées graduellement, reste qu’on a toujours une seule chance de faire une première bonne impression.
BANQUET POUR L’OPPOSITION ?
Dans les banquettes de l’opposition, on retrouve 17 ex-ministres rompus aux principaux dossiers et à la bataille partisane.
Sans pavoiser, des vétérans ont un sourire en coin lorsqu’on leur demande leur appréciation des premiers pas de certains caquistes sur la place publique.
« À ce que je vois depuis un mois, le travail, ça ne s’improvise pas. Il y en a qui n’ont pas assimilé le style et la matière [si j’étais de leur bord] je ne serais pas rassuré », résume l’un d’entre eux qui affûte ses couteaux.
« Oui, à la période de questions, on verra si certains qui ont eu l’air bien hésitants jusqu’ici ont eu le temps de se renchausser », a renchéri un autre.
Pour ceux qui n’ont jamais connu le feu nourri de la joute parlementaire, il peut être plus difficile de faire face à une question imprévisible, plutôt que répondre à la controverse du jour, pour laquelle les services de communication ont prémâché des « lignes ».
La tâche paraît colossale pour quelqu’un comme la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, pointe un adversaire, parce qu’elle n’a aucune expérience politique et ne provient pas du monde municipal.
« Il y a de l’anxiété dans le milieu, est-ce qu’elle connaît la multitude d’organismes, les acronymes, les programmes ? », questionne un joueur d’importance de l’opposition.
Leur espoir pourrait être déçu, mais les requins piaffent d’impatience à l’idée de se délecter de proies faciles…