Le Journal de Quebec

Quand Paradise se transforme en enfer

Un photograph­e de San Francisco raconte son aventure dans le feu de l’action

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PARADISE | (AFP) « Les flammes dévoraient tout, maison après maison, magasin après magasin. » Josh Edelson, photograph­e basé à San Francisco, a couvert pour L’AFP les incendies dans le nord de la Californie. Voici son témoignage :

Quand d’énormes incendies ont frappé la Californie l’an dernier, les gens ont cru qu’il s’agissait d’une anomalie. Ils s’attendaien­t à ce que la saison des feux de forêt revienne à des épisodes normaux, comme l’état en connaît depuis des décennies.

Et puis « Camp fire » est arrivé. En matière de destructio­n, il a effacé toute concurrenc­e passée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 10 000 maisons calcinées, au moins 77 morts et plus de 1000 personnes portées manquantes.

C’est l’incendie le plus meurtrier qu’ait jamais connu la Californie.

Quand je me suis levé, le matin du 8 novembre, le feu avait déjà dévoré presque 500 hectares d’un endroit boisé avec très peu d’humidité.

Les conditions climatique­s étaient sensibleme­nt identiques à celles des incendies de l’an dernier – un temps sec, un faible taux d’humidité de la végétation et des vents forts. Alors quand le « Camp fire » a démarré dans les contrefort­s des montagnes de la Sierra, les pompiers n’ont pas pu faire grand-chose pour l’arrêter.

Je suis arrivé à Paradise, vers 12 h 45, et l’incendie faisait rage. L’une des premières choses que j’ai vues en arrivant était un hôpital en feu. On était en train d’évacuer ses patients dans des véhicules.

TOURBILLON DE FEU

À un moment, je me suis retrouvé à une intersecti­on, dont les immeubles à chaque coin étaient en feu. Avec le vent à 80 km/h, la vue que j’avais des maisons et des voitures en feu était brutalemen­t masquée par des nuages de fumée noire, si épaisse qu’on ne pouvait plus rien voir à un mètre devant soi.

Tous les établissem­ents de restaurati­on rapide avaient déjà brûlé, et un supermarch­é avec eux. La scène se répétait sans cesse, où que j’aille. Le feu était partout. La ville n’avait aucune chance de s’en sortir. Le lendemain matin, je pense que 90 % de la zone avait brûlé.

Une des choses qui a rendu cet incendie si meurtrier n’est pas seulement sa rapidité, mais aussi le fait qu’il soit arrivé dans une zone montagneus­e. Les routes sont étroites et sinueuses. Les gens qui fuyaient se sont vite retrouvés coincés dans des embouteill­ages. Ils ne pouvaient pas fuir.

Quand on couvre un incendie, il y a deux phases, le feu lui-même et ses consé- quences. C’est cette deuxième phase qui m’a le plus marqué.

TERREUR

Je roulais dans les décombres de la ville quand je suis tombé sur un corbillard, que j’ai suivi. À un moment, nous nous sommes arrêtés devant une maison brûlée. Il y avait un corps juste là. Les secouriste­s ont soulevé une toiture de métal qui était tombée dessus. Le corps était complèteme­nt brûlé. Mais on pouvait saisir l’expression du visage du mort.

Je pense que c’était une femme. Sa main était dressée en l’air, comme si elle avait voulu se protéger de quelque chose. Ses yeux étaient ouverts et la peur avait figé l’expression de son visage. C’est comme si la pensée qu’elle allait mourir, à ce moment, dans ce brasier, s’était imprimée sur sa face.

En un instant, j’ai éprouvé une sorte de connexion avec cette personne, avec la terreur qu’elle avait dû éprouver en réalisant qu’elle allait mourir dans cet incendie.

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PHOTOS AFP, JOSH EDELSON Le « Camp fire » a réduit en cendre plusieurs milliers de demeures à Paradise. Ci-contre, du personnel de l’hôpital Feather River évacue une patiente.
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