Le Journal de Quebec

Le mauvais exemple d’hydro-québec

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Jeudi, Le Journal confirmait ce qu’un lecteur avait d’abord porté à mon attention.

Depuis janvier, Hydro-québec envoie des factures uniquement en anglais à ceux qui le demandent.

Elle rompt avec une tradition de 25 ans : auparavant, les factures étaient en français ou bilingues.

Hydro-québec est carrément passée à l’unilinguis­me anglais sur demande.

INCONSCIEN­CE

Déjà, 400 000 factures sont envoyées en anglais seulement. Le nombre risque d’aller en augmentant s’il suffit d’en faire la demande.

Cette demande ne viendra pas seulement des anglophone­s de vieille souche, mais aussi de ces nouveaux arrivants qui ne parlent pas un mot de français et s’en fichent pas mal.

Quel message cette pratique d’hydro-québec envoie-t-elle aux nouveaux venus sur l’importance de l’intégratio­n linguistiq­ue au Québec français ?

Les deux arguments justificat­ifs fournis par Hydro-québec sont révélateur­s.

Le premier argument est de dire qu’on a fait un sondage auprès de 1141 personnes : 52 % ont dit ne pas voir de problèmes avec des factures uniquement en anglais.

Voyons-y une autre illustrati­on du « bon-ententisme » de tant de Québécois, pour qui il y a toujours « moyen de moyenner » dès qu’un principe dérange un peu.

Le deuxième argument d’hydro-québec est de dire que ce n’est pas illégal.

Hydro-québec ne s’arrête pas un instant à considérer que ce n’est pas parce qu’une chose peut être faite qu’elle doit être faite.

En tant que société d’état, ne devrait-elle pas incarner, par son exemple, le principe général de la nette prédominan­ce du français, qui est au coeur, du moins en théorie, de la philosophi­e linguistiq­ue de l’état du Québec depuis plus de 40 ans ? Apparemmen­t, non. Revenu Québec fait pareil, dit-on, et la démission de l’un devient donc

Hydro-québec est carrément passée à l’unilinguis­me anglais sur demande.

un alibi pour la démission de l’autre. Pitoyable.

En fait, Hydro-québec intègre complèteme­nt la logique carrée de l’entreprise privée : tout ce que le client veut devient une priorité, et tout ce qui n’est pas illégal devient légitime.

Comme dans le privé, on essaie même d’être en avance sur le client et on lui offre de lui faciliter la vie avant qu’il le demande, et tant pis pour les principes.

Dans le secteur privé, on peut comprendre les pressions imposées par la concurrenc­e. L’argument, ici, ne tient pas.

INDIFFÉREN­CE

Je vois aisément les avocats d’hydro-québec prenant soin de s’assurer que la nouvelle politique passe entre les mailles de la loi, qu’elle en respecte la lettre, mais ne se demandant pas une seconde si elle n’en bafoue pas l’esprit, celui d’un souci vigilant pour l’état du français au Québec.

Pour eux, seuls des « maudits fatigants » et des « ceintures fléchées » trouveront importante cette affaire.

Et seules la rentabilit­é financière et « l’expérience-client », comme on dit en jargon managérial moderne, les préoccupen­t.

Ces gens ont un buste de René Lévesque devant leur quartier général, situé sur le boulevard qui porte son nom.

Comme si souvent au Québec, le mauvais exemple vient d’en haut.

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