Le Journal de Quebec

Les « hors Québec »

- FATIMA HOUDA-PEPIN fatima.houda-pepin @quebecorme­dia.com

Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère C’est en organisant une exposition sur Louis Riel, en 1978, à la Bibliothèq­ue publique d’ottawa, que j’ai été présentée aux communauté­s francophon­es de l’ontario et du Manitoba.

J’avais rencontré des décideurs, des auteurs, des artistes et des groupes communauta­ires qui m’avaient guidée dans ma compréhens­ion de la francophon­ie canadienne.

Je venais de terminer une recherche sur la bataille des gens de l’air qui revendiqua­ient leur droit de communique­r en français dans les cabines de pilotage et les tours de contrôle. Une concession arrachée, de haute lutte, à la très puissante Canadian Air Line Pilots Associatio­n.

Depuis, partout où je suis allée, de Halifax à Vancouver, j’ai découvert des communauté­s francophon­es vibrantes, fortement attachées à leur langue, à leur culture, ancrées dans leur histoire et fières de leurs identités propres. Des minorités que l’histoire n’a pas épargnées, mais qui se tiennent debout face à l’adversité.

On a tendance à l’oublier, mais c’est en Acadie que Samuel de Champlain et les premiers colons français avaient fondé le premier établissem­ent permanent en Nouvelle-france, en 1604, avant de s’établir, à Québec, en 1608.

Voici donc des Canadiens français, jadis soudés par leur histoire, leur langue et leur religion, que les aléas de la politique ont éloignés, au point de ne plus partager d’appartenan­ce commune. Il y aura les Québécois au Québec et les « francophon­es hors Québec ».

Des « hors Québec » ! Une identité projetée, chargée de condescend­ance, avec le Québec comme « centre » de la québécitud­e et à la « marge », des communauté­s francophon­es, sans identités propres.

Comment sommes-nous arrivés à les marginalis­er à ce point? Si le Québec des années 1960 peut être fier de son nationalis­me économique et de son « Maître chez nous », il en a été autrement pour les francophon­es des autres provinces, tombés dans l’oubli et l’indifféren­ce.

Une indifféren­ce qui s’est muée en fracture, dans les années 1970, avec le projet de souveraine­té du Parti québécois. René Lévesque va même jusqu’à les qualifier, en 1968, de « dead ducks ». Un jugement sommaire qui a laissé des traces.

Paradoxale­ment, en s’assumant comme une majorité, l’élite politique québécoise a eu le même réflexe de supériorit­é à l’égard des minorités francophon­es du Canada que celui qu’elle dénonçait chez les anglophone­s.

LEGAULT SERA-T-IL UN ALLIÉ ?

Lors de sa mission économique à Queen’s Park, lundi dernier, le premier ministre, François Legault, n’a pas manqué d’exprimer sa désapproba­tion à son vis-à-vis ontarien, Doug Ford, quant aux compressio­ns dans les services en français aux francophon­es de sa province.

Il ne s’est pas gêné, non plus, de lui rappeler que les minorités francophon­es de langue officielle représente­nt l’un des deux peuples fondateurs qu’il ne faut pas confondre avec les immigrants chinois ou italiens.

Mais au-delà de cette crise et de la menace qui pèse aussi sur les francophon­es au Nouveau-brunswick, à la suite de l’élection d’un gouverneme­nt anti-bilinguism­e, le premier ministre du Québec doit assumer un rôle plus actif au sein de la francophon­ie canadienne.

Sans s’ingérer dans les affaires internes des autres provinces, il peut être un leader de cette francophon­ie canadienne dont nous faisons partie. C’est un devoir de solidarité que l’histoire et le contexte actuel justifient.

Cela est d’autant plus vrai qu’il s’est fait élire sur la promesse de changement. L’occasion est donc tout indiquée pour faire preuve de leadership et reprendre la conversati­on sur de nouvelles bases de partenaria­t.

M. Legault est également porteur d’une troisième voix qui cherche à faire évoluer le Québec au sein du Canada. Un contexte très favorable au rapprochem­ent.

Une rencontre à laquelle il convierait les leaders des différente­s communauté­s francophon­es du Canada, à Québec, permettrai­t de renouer ces liens et d’échanger sur les éléments d’une politique québécoise en matière de francophon­ie canadienne.

En 2006, le ministre Benoît Pelletier en avait publié une sous le titre L’avenir en français. Il faudrait y revenir et explorer d’autres voies de collaborat­ion, en misant, notamment sur la jeunesse francophon­e à travers le Canada.

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