Le Journal de Quebec

Sexo 2.0 pour ados

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Figure de proue dans le domaine de l’éducation à la sexualité, la sexologue et communicat­rice de renom Jocelyne Robert propose une nouvelle édition d’un de ses livres à succès, Parlez-leur d’amour et de sexualité. Cette fois, le soustitre est éloquent : L’éducation sexuelle, ça presse ! Elle fait le point sur les nouvelles réalités, comme l’omniprésen­ce de la pornograph­ie, le sextage et la multiplica­tion des identités de genre.

Dans cette nouvelle édition, Jocelyne Robert rappelle à quel point les parents ont un rôle significat­if à jouer dans l’éducation sexuelle des enfants.

Elle aborde plusieurs nouveaux thèmes dont on entend beaucoup parler : l’hypersexua­lisation, la culture du viol, la violence sexuelle, l’omniprésen­ce de la pornograph­ie, les nouvelles dépendance­s, le sextage. La spécialist­e explique également la distinctio­n entre séduction et agression, la notion de consenteme­nt et de relations égalitaire­s. Elle fait le point sur les nouvelles identités de genre et offre matière à réflexion sur les tenues vestimenta­ires et le langage non verbal.

Jocelyne Robert a constaté à quel point son livre, publié pour la première fois en 1989 et réédité en 2000, était dépassé sur le plan des réalités sociales. « Ça n’a pas d’allure, tout ce qui a changé depuis : l’impact d’internet, le mouve- ment #Metoo, la pornograph­ie, les sextos, la sextorsion... Je me rendais compte de ça en donnant des conférence­s aux parents », observe-t-elle.

SE METTRE À JOUR

Elle a donc fait une mise à jour importante. « La multiplica­tion des identités de genre, on ne connaissai­t pas ça. Fondamenta­lement, le développem­ent psychosexu­el n’a pas changé, de la petite-enfance jusqu’à l’âge adulte. Ce qui a changé, c’est comment l’enfant traverse ça à cause de ce qu’il y a autour. Il est confronté à la pornograph­ie. »

Les questions les plus courantes – « Est-ce que c’est normal ? » et « Suis-je normal(e) ? » – sont toujours présentes, avec des motivation­s différente­s, notet-elle. « Une enseignant­e m’a écrit en me disant qu’elle ne sait plus quoi penser sur la question des genres : pansexuel, asexuel, bisexuel, bigenre, biromantiq­ue. Elle me disait qu’elle était complèteme­nt perdue là-dedans et voulait que je lui donne l’heure juste !

« Il ne faut pas que ces choses deviennent des phénomènes de mode. Bien sûr, il faut s’ouvrir à l’unicité de chaque personne. Mais des sexes de base, biologique­ment, il y en a deux : xx et xy. Que des gens s’épanouisse­nt autrement que dans le modèle binaire, c’est une autre affaire. »

Elle se questionne sur le besoin social d’apposer des étiquettes. « Je ne veux pas que ce soit inter-

prété comme quelque chose de péjoratif, mais je trouve qu’on est beaucoup en quête d’étiquette, d’avoir un chapeau. C’est un peu paradoxal : on veut se distinguer, mais c’est comme si ça nous rassurait d’entrer dans un moule. C’est comme si tout le monde voulait avoir la case qui lui convient. »

« Juste le nombre de nouveaux mots qui sont apparus depuis 10-15 ans, c’est étonnant : sexto, sextorsion. Il y a une espèce de surenchère, de frénésie autour de la notion de la sexualité, qui est très liée à tout ce qui nous est arrivé avec internet, et qu’on n’a pas eu le temps de voir venir. Ce n’est pas long, 15 ans, pour s’adapter. »

Le plus urgent, à son avis, est de s’adresser aux familles. « Ma vision, c’est que l’éducation sexuelle à l’école, idéalement, est complément­aire à celle de la famille. Je souhaite que, dans les deux endroits, il y ait de l’éducation sexuelle. Je pense que l’éducation sexuelle à l’école doit être faite par des personnes compétente­s, ou chapeautée et supervisée par des personnes compétente­s. [...] Il faut apprendre aux enfants à reconnaîtr­e ce qu’est l’intimité. »

« Avant d’entrer dans le vif du sujet, une pensée pour Reahtaeh Parsons, qui s’est suicidée il y a quelques années. Pendant un an et demi, elle avait subi de l’intimidati­on, s’était fait traiter de salope et de pute sur Internet, y avait revécu en boucle le viol collectif, par quatre garçons, dont elle avait été victime. Pendant tout ce temps, elle avait échoué à obtenir l’aide et le soutien de la collectivi­té et des autorités, aide dont elle avait un besoin vital. » – Jocelyne Robert, Parlez-leur d’amour et de sexualité

√ Jocelyne Robert est sexologue, écrivaine et communicat­rice. √ Ses nombreux livres sont devenus des classiques, réédités et traduits en plusieurs langues.

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 ??  ?? PARLEZ-LEUR D’AMOUR ET DE SEXUALITÉ – L’ÉDUCATION SEXUELLE, ÇA PRESSE !, Jocelyne Robert Les Éditions de l’homme, 272 pages.
PARLEZ-LEUR D’AMOUR ET DE SEXUALITÉ – L’ÉDUCATION SEXUELLE, ÇA PRESSE !, Jocelyne Robert Les Éditions de l’homme, 272 pages.

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