Sexo 2.0 pour ados
Figure de proue dans le domaine de l’éducation à la sexualité, la sexologue et communicatrice de renom Jocelyne Robert propose une nouvelle édition d’un de ses livres à succès, Parlez-leur d’amour et de sexualité. Cette fois, le soustitre est éloquent : L’éducation sexuelle, ça presse ! Elle fait le point sur les nouvelles réalités, comme l’omniprésence de la pornographie, le sextage et la multiplication des identités de genre.
Dans cette nouvelle édition, Jocelyne Robert rappelle à quel point les parents ont un rôle significatif à jouer dans l’éducation sexuelle des enfants.
Elle aborde plusieurs nouveaux thèmes dont on entend beaucoup parler : l’hypersexualisation, la culture du viol, la violence sexuelle, l’omniprésence de la pornographie, les nouvelles dépendances, le sextage. La spécialiste explique également la distinction entre séduction et agression, la notion de consentement et de relations égalitaires. Elle fait le point sur les nouvelles identités de genre et offre matière à réflexion sur les tenues vestimentaires et le langage non verbal.
Jocelyne Robert a constaté à quel point son livre, publié pour la première fois en 1989 et réédité en 2000, était dépassé sur le plan des réalités sociales. « Ça n’a pas d’allure, tout ce qui a changé depuis : l’impact d’internet, le mouve- ment #Metoo, la pornographie, les sextos, la sextorsion... Je me rendais compte de ça en donnant des conférences aux parents », observe-t-elle.
SE METTRE À JOUR
Elle a donc fait une mise à jour importante. « La multiplication des identités de genre, on ne connaissait pas ça. Fondamentalement, le développement psychosexuel n’a pas changé, de la petite-enfance jusqu’à l’âge adulte. Ce qui a changé, c’est comment l’enfant traverse ça à cause de ce qu’il y a autour. Il est confronté à la pornographie. »
Les questions les plus courantes – « Est-ce que c’est normal ? » et « Suis-je normal(e) ? » – sont toujours présentes, avec des motivations différentes, notet-elle. « Une enseignante m’a écrit en me disant qu’elle ne sait plus quoi penser sur la question des genres : pansexuel, asexuel, bisexuel, bigenre, biromantique. Elle me disait qu’elle était complètement perdue là-dedans et voulait que je lui donne l’heure juste !
« Il ne faut pas que ces choses deviennent des phénomènes de mode. Bien sûr, il faut s’ouvrir à l’unicité de chaque personne. Mais des sexes de base, biologiquement, il y en a deux : xx et xy. Que des gens s’épanouissent autrement que dans le modèle binaire, c’est une autre affaire. »
Elle se questionne sur le besoin social d’apposer des étiquettes. « Je ne veux pas que ce soit inter-
prété comme quelque chose de péjoratif, mais je trouve qu’on est beaucoup en quête d’étiquette, d’avoir un chapeau. C’est un peu paradoxal : on veut se distinguer, mais c’est comme si ça nous rassurait d’entrer dans un moule. C’est comme si tout le monde voulait avoir la case qui lui convient. »
« Juste le nombre de nouveaux mots qui sont apparus depuis 10-15 ans, c’est étonnant : sexto, sextorsion. Il y a une espèce de surenchère, de frénésie autour de la notion de la sexualité, qui est très liée à tout ce qui nous est arrivé avec internet, et qu’on n’a pas eu le temps de voir venir. Ce n’est pas long, 15 ans, pour s’adapter. »
Le plus urgent, à son avis, est de s’adresser aux familles. « Ma vision, c’est que l’éducation sexuelle à l’école, idéalement, est complémentaire à celle de la famille. Je souhaite que, dans les deux endroits, il y ait de l’éducation sexuelle. Je pense que l’éducation sexuelle à l’école doit être faite par des personnes compétentes, ou chapeautée et supervisée par des personnes compétentes. [...] Il faut apprendre aux enfants à reconnaître ce qu’est l’intimité. »
« Avant d’entrer dans le vif du sujet, une pensée pour Reahtaeh Parsons, qui s’est suicidée il y a quelques années. Pendant un an et demi, elle avait subi de l’intimidation, s’était fait traiter de salope et de pute sur Internet, y avait revécu en boucle le viol collectif, par quatre garçons, dont elle avait été victime. Pendant tout ce temps, elle avait échoué à obtenir l’aide et le soutien de la collectivité et des autorités, aide dont elle avait un besoin vital. » – Jocelyne Robert, Parlez-leur d’amour et de sexualité
√ Jocelyne Robert est sexologue, écrivaine et communicatrice. √ Ses nombreux livres sont devenus des classiques, réédités et traduits en plusieurs langues.