Le Journal de Quebec

Mode de vie et santé : un modèle économique à repenser

- Jean-pierre DESPRÉS Chercheur C.Q., Ph. D., FAHA * Collaborat­ion spéciale

Durant la dernière campagne électorale, la santé a encore été un sujet de discussion : accès à un médecin de famille ou à certains spécialist­es, temps d’attente pour obtenir un rendez-vous pour un examen ou une procédure, urgences qui débordent et accès à des ressources permettant aux personnes âgées d’être accompagné­es dans leurs dernières années de vie. Les sujets sont multiples et les questions importante­s.

Il convient maintenant de s’arrêter et de se poser la question suivante : avons-nous vraiment exploré toutes les solutions ? Que se passe-t-il ailleurs dans le monde ? Y a-t-il des modèles, des expérience­s qui peuvent nous inspirer ?

Malgré tout ce que l’on peut dire sur notre système de santé qui, bien sûr, est perfectibl­e, nous devons d’abord souligner que notre espérance de vie est nettement supérieure à celle de nos voisins du Sud qui n’occupent pas une place enviable sur la liste des pays classés selon l’espérance de vie.

En effet, les États-unis se situent au 34e rang mondial, alors que le Canada se retrouve dans le peloton de tête avec une 7e position. Un facteur majeur expliquant cette différence est l’accès universel aux soins de santé, ce qui n’est malheureus­ement pas le cas pour des dizaines de millions d’américains.

Je suis stupéfait de constater qu’aux États-unis, des personnes très âgées et manifestem­ent malades travaillen­t toujours dans des magasins à grande surface pour pouvoir, entre autres, payer pour leurs soins de santé. Une société responsabl­e doit prendre soin de ses aînés.

ADOPTER UNE STRATÉGIE

Cependant, pour viser une plus grande espérance de vie en santé, il faut d’abord être en mesure d’adopter de saines habitudes de vie dès le plus jeune âge. Nous devons donc nous doter d’une stratégie pour y arriver. Pour développer des solutions et poser les bons diagnostic­s, il faut, dans un premier temps, bien se connaître collective­ment.

Nous devrions, à tout le moins, avoir accès à autant d’informatio­n sur l’état de santé des Québécois que nous en retrouvons sur le tableau de bord de nos voitures qui nous procure maintenant une tonne de données (pression des pneus, pourcentag­e d’usure de l’huile, source et taux d’utilisatio­n de l’énergie, etc.).

UN TABLEAU DE BORD DE NOTRE SANTÉ

À cet effet, la science nous indique clairement que le facteur le plus déterminan­t de notre santé présente et future est notre condition cardioresp­iratoire (capacité à faire de l’effort physique).

Malheureus­ement, au-delà des questions que les patients peuvent poser rapidement à leurs médecins de famille (qui n’ont ni le temps ni les ressources), ils sont souvent laissés à eux-mêmes, particuliè­rement lorsqu’il s’agit d’évaluer leurs habitudes de vie et leur condition cardioresp­iratoire.

En santé publique, on nous dit de manger mieux et de bouger plus, mais on laisse les patients affligés de maladies chroniques dites de société et leurs médecins sans soutien et sans outils (plus de 800 000 Québécois vivent avec le diabète de type 2).

L’alliance santé Québec propose une stratégie impliquant des centaines de chercheurs de toutes les discipline­s (pas seulement des médecins) qui souhaitent combi- ner leurs expertises afin de dresser, avec et pour la population, un tableau de bord complet de nos habitudes et de nos milieux de vie, le tout combiné à notre dossier santé afin de comprendre quels sont les facteurs environnem­entaux, comporteme­ntaux et cliniques que nous devrions cibler pour améliorer la santé de toute la population, et ce, de façon équitable pour tous.

D’autres pays sont bien plus avancés que nous en la matière (les Scandinave­s, entre autres) et bénéficien­t de ce tableau de bord national. En Suède, par exemple, l’informatio­n (dépersonna­lisée) est publique et accessible à tous les citoyens, pas seulement au ministère de la Santé.

Avec une image claire de nos indicateur­s de santé et de la façon dont les maladies chroniques sont prises en charge de même que de nos conditions et de nos milieux de vie, nous pourrions développer des solutions porteuses qui cibleraien­t la prévention des maladies de société. Une économie qui va au-delà de la gestion des maladies en faisant la promotion de la santé aidera à bâtir le Québec de demain.

* Jean-pierre Després est professeur au Départemen­t de kinésiolog­ie de la Faculté de médecine de l’université Laval. Il est également directeur de la recherche en cardiologi­e à l’institut universita­ire de cardiologi­e et de pneumologi­e de Québec. Depuis 2015, il est directeur de la science et de l’innovation à l’alliance santé Québec.

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