Le Journal de Quebec

La Toyota de Manon

- claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

Décidément, les députées solidaires motorisées, ça ne passe pas.

Rien ne cristallis­e autant l’impression que nos élus se gavent de privilèges que l’obtention de la fameuse voiture de fonction, la proverbial­e « limousine » avec chauffeur, qui charriera Manon Massé de sa circonscri­ption à l’hôtel du Parlement. Surtout dans le cas de la porte-parole (même pas chef !) d’un parti au fort penchant environnem­entaliste.

Mon collègue Mario Dumont avait raison de le rappeler la semaine dernière à LCN. « Le monde ordinaire n’a pas de chauffeur. » Partant de là, c’est normal que ça fasse réagir.

L’USAGE

Il y a beaucoup d’affaires là-dedans, les critiques que l’on entend sur le traitement réservé à Manon Massé.

Pour avoir écrit sur Québec solidaire depuis quelques années, je constate qu’il se trouve toujours du monde pour se scandalise­r qu’« on paye pour ça », ces élus de gauche qui ne veulent pas faire les affaires comme les autres. Là-dessus, je me demande tout le temps où habitent tous ces gens qui pensent que les électeurs de Mercier, Gouin ou Sainte-marie–saint-jacques n’auraient pas le droit d’avoir un député payé par l’assemblée nationale. Ça s’appelle la démocratie.

Il y a aussi des gens qui s’étonnent qu’on écarte si facilement les règles pour reconnaîtr­e le PQ et QS, deux partis qui, aux élections, n’ont fait élire ni 12 députés ni obtenus 20 % des voix. Par rapport à ça, il faut comprendre que l’assemblée nationale a la flexibilit­é de fonctionne­r selon ses choix et que, à la fin, c’est beaucoup plus simple d’opérer avec quatre groupes parlementa­ires qu’avec 20 députés indépendan­ts.

En 2018, 33 % des électeurs ont voté pour le PQ ou pour QS. On veut que nos élus soient capables de s’entendre pour se gouverner sans nier la réalité électorale et, surtout, sociale.

SÉCURITÉ AVANT TOUT

Ce qui dérange le plus, ça reste toutefois la fameuse « limousine ». Rap- pelons d’abord qu’il s’agit plus généraleme­nt d’une Toyota.

Et, à ce sujet, je dois avouer, je suis étonné. Je ne me livrerai pas à la litanie sur les longues heures de route à travers l’immense territoire du Québec au climat souvent piégeux. Je vais simplement parler de sécurité.

On oublie commodémen­t qu’il y a six ans, une première ministre du Québec a failli se faire tirer dessus le soir de son élection.

Le débat politique a changé. Le climat social aussi. Suffit de regarder ce qu’on lit en ligne pour le constater.

Quand on voit le ton où en sont rendus les échanges, notamment l’animosité qui s’exprime à l’égard de certaines personnali­tés clivantes comme Manon Massé, je m’étonne qu’on se demande pourquoi elle devrait être conduite par un policier. Ce n’est pas pour rien que le ministère de la Sécurité publique – et non l’assemblée nationale – a recommandé qu’elle reçoive ce service.

Parce que le garde du corps, qui n’aime pas se faire appeler chauffeur, il ne fait pas que conduire. Il fait en sorte que l’élu sous sa responsabi­lité puisse passer à travers son ordre du jour sans s’inquiéter de se faire sauter dessus par un esprit échauffé, ce qui ne serait pas plus tolérable parce qu’elle est à la tête d’un groupe de 10 députés plutôt que de 12.

C’est pour ça que Manon Massé mérite sa voiture de fonction et, à moins de penser que ça coûte trop cher de vivre en démocratie, ce n’est pas une dépense qu’on devrait remettre en question.

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CLAUDE VILLENEUVE Directeur Opinions
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La députée solidaire Manon Massé

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