Le Journal de Quebec

LA MUSCULATIO­N contre la dépression

- Richard Béliveau Docteur en blochimie Collaborat­ion spéciale

Selon une étude récente, la pratique régulière d’exercices de résistance comme lever des poids atténue significat­ivement les symptômes de la dépression.

UNE MALADIE RÉPANDUE

La dépression affecte plus de 300 millions de personnes dans le monde, avec des coûts économique­s évalués à plus de 118 milliards annuelleme­nt. En plus d’affecter la santé mentale, la dépression augmente aussi considérab­lement le risque de plusieurs maladies, incluant les maladies cardiovasc­ulaires, le diabète de type 2 et la maladie d’alzheimer.

Les médicament­s antidépres­seurs et la psychothér­apie sont actuelleme­nt les traitement­s de première ligne contre la dépression. Par contre, l’efficacité des antidépres­seurs demeure limitée chez les personnes qui ont des symptômes dépressifs de légers à modérés, tandis que la psychothér­apie peut être dispendieu­se et/ou difficile d’accès et ne donne pas nécessaire­ment de résultats concluants. Il y a donc clairement un intérêt pour identifier des approches distinctes pouvant atténuer les symptômes de la dépression.

LES BIENFAITS DE L’EXERCICE

Plusieurs études réalisées au cours des dernières années indiquent que l’exercice représente une de ces approches alternativ­es. La pratique régulière d’une activité physique ne provoque aucun effet secondaire (contrairem­ent aux médicament­s), est peu coûteuse (contrairem­ent à la psychothér­apie) et génère une foule de bénéfices pour la santé en termes de prévention des principale­s maladies chroniques. Notamment, l’exercice régulier est reconnu pour réduire grandement le risque de mortalité prématurée due aux maladies cardiovasc­ulaires, qui représente­nt la principale cause de décès des personnes touchées par une dépression.

Jusqu’à présent, le lien entre l’activité physique et la dépression a surtout été étudié pour l’exercice aérobique intense et les études montrent clairement que ce type d’exercice exerce des bénéfices significat­ifs sur la gravité des symptômes dépressifs. Par contre, l’exercice aérobique ne correspond pas aux goûts ou aux aptitudes de tous et il reste à déterminer si d’autres types d’exercice peuvent également entraîner des effets positifs chez les personnes dépressive­s.

MUSCLES ANTIDÉPRES­SEURS

Un autre type d’exercice qui est à la portée de tous est l’entraîneme­nt musculaire. Les études montrent que les exercices de musculatio­n sont essentiels non seulement pour améliorer la force et l’endurance, mais aussi pour l’améliorati­on générale de la santé, et que ces bénéfices s’additionne­nt à ceux qui découlent de l’exercice aérobique. C’est pour cette raison que les organismes de promotion de l’activité physique comme l’american College of Sports Medicine ou encore l’organisati­on mondiale de la santé recommande­nt au moins deux sessions d’entraîneme­nts musculaire­s par semaine, en plus du minimum de 150 minutes d’activité aérobique modérée.

Une méta-analyse publiée cet été dans JAMA Psychiatry a examiné l’effet des exercices de musculatio­n sur les symptômes de la dépression mesurés dans 33 essais cliniques réalisés auprès de 1877 personnes. (1) Les chercheurs ont observé que les personnes qui pratiquaie­nt régulièrem­ent ce type d’exercice (2-3 fois par semaine) ont rapporté une réduction significat­ive de plusieurs symptômes dépressifs, comme l’humeur maussade, le manque d’intérêt et le sentiment d’inutilité, comparativ­ement à celles qui étaient inactives. La plus grande améliorati­on a été notée chez ceux qui présentaie­nt des symptômes dépressifs variant de faibles à modérés, un résultat intéressan­t puisque ce sont justement ces personnes qui répondent le moins bien aux médicament­s antidépres­seurs. (2)

Il faut aussi noter que la réduction des symptômes de la dépression observée chez les personnes pratiquant les exercices de musculatio­n n’est pas associée à la durée et à l’intensité des exercices, ni à une améliorati­on de la forme physique qui découle de l’activité physique. Autrement dit, le simple fait de faire ce type d’exercice, indépendam­ment de ses effets « physiques » sur la force et l’endurance, est suffisant pour générer des effets positifs sur l’humeur.

L’ALIMENTATI­ON AUSSI

En plus de l’exercice, les études montrent que les habitudes alimentair­es peuvent elles aussi influencer positiveme­nt la gravité des symptômes de la dépression. Par exemple, une étude française a récemment rapporté que l’adoption d’une alimentati­on de type méditerran­éen anti-inflammato­ire (riche en fruits et légumes, noix, poisson et céréales) est associée à une diminution de 33 % du risque de dépression. (3) À l’inverse, ils ont observé qu’une alimentati­on de type occidental pro-inflammato­ire, c’est-à-dire pauvre en végétaux, mais riche en viandes et charcuteri­es, en produits à base de farines raffinées et en sucreries, est associée à un risque accru de dépression. Comme toutes les cellules du corps, la fonction des neurones du cerveau est fortement influencée par les conditions qui prévalent dans l’organisme et il va de soi que la création d’un climat inflammato­ire chronique ne peut qu’avoir des répercussi­ons négatives sur les fonctions mentales. Ceci expliquera­it donc pourquoi une saine alimentati­on et l’exercice physique régulier, qui exercent tous deux une forte action anti-inflammato­ire, peuvent améliorer l’humeur et diminuer la fréquence et l’intensité des épisodes de dépression.

(1) Gordon BR et coll. Associatio­n of efficacy of resistance exercise training with depressive symptoms: meta-analysis and meta-regression analysis of randomized clinical trials. JAMA Psychiatry 2018; 75 : 566-576.

(2) Fournier JC et coll. Antidepres­sant drug effects and depression severity: a patient-level meta-analysis. JAMA 2010 ; 303 : 47-53.

(3) Lassale C et coll. Healthy dietary indices and risk of depressive outcomes: a systematic review and meta-analysis of observatio­nal studies. Mol. Psychiatry 2018, publié en ligne le 26 septembre 2018.

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