Le Journal de Quebec

S’empêtrer avec le 3e lien

3e lien : c’est le bouquet !

- KARINE GAGNON

À peine élu, François Legault peine déjà à justifier le projet sans queue ni tête qu’il a placé au coeur de ses priorités pour la région de Québec, celui d’un troisième lien.

Le premier ministre parlait beaucoup hier, dans son discours inaugural, d’ambition et d’audace. Pour Québec, on repassera pour ce bel élan. Il est franchemen­t désolant de constater qu’un gouverneme­nt qui se réclame pourtant du changement fasse d’un lien routier imaginé dans les années 1960 son grand projet pour la région.

M. Legault avait poussé le bouchon, en mai dernier devant la Chambre de commerce de Lévis, en prétendant qu’un troisième lien serait bon pour l’environnem­ent.

Devenu premier ministre, il en a remis hier, dans son discours inaugural, en déclarant le plus sérieuseme­nt du monde son intention d’en faire un projet de développem­ent durable.

On ne sait plus comment justifier un projet érigé en dogme, sans même avoir étudié le besoin ni les impacts. Après Jean-françois Gosselin qui en avait fait un « attrait touristiqu­e du patrimoine », c’est le bouquet !

Ça prend du toupet pour oser prétendre à un projet de développem­ent durable avec un lien routier qui aurait pour effet pernicieux de stimuler l’utilisatio­n de l’automobile et d’encourager l’étalement urbain. Tout cela sans pour autant réduire la congestion routière, de l’avis unanime des experts.

François Legault parle des deux côtés de la bouche.

LIENS DOUTEUX

M. Legault se permet cette analogie douteuse sous prétexte qu’il entend faire passer, sur le troisième lien, le système de transport structuran­t de Québec. Une idée saugrenue quand on sait que les trois quarts des déplacemen­ts entre les deux rives – selon les données du MTQ – partent de l’ouest et se dirigent vers l’ouest.

On ne le répétera jamais assez, il est difficile de voir ce qui pourrait convaincre ces automobili­stes de parcourir, matin et soir, une trentaine de kilomètres de plus dans les deux directions, sur des autoroutes déjà bouchonnée­s, pour aller emprunter un troisième lien dans l’est.

Alors, imaginez les utilisateu­rs potentiels du transport en commun… Si l’on veut être efficace, rejoindre une majorité de gens et assurer le succès du système structuran­t à Québec, il faut prévoir le passage du système à l’ouest, et non à l’est.

On n’encourage pas non plus l’utilisatio­n du transport en commun, d’une main, en ajoutant des infrastruc­tures routières, de l’autre. Surtout qu’à Québec, les routes ne sont pas en reste, le gouverneme­nt y injectant des centaines de millions pour les agrandir présenteme­nt.

M. Legault parle ainsi des deux côtés de la bouche. Il relève que le Québec nage en pleine noirceur en matière de gaz à effet de serre, et qu’il faut trouver des moyens pour les diminuer. Mais en contrepart­ie, il vend le troisième lien, qui en sera générateur, à toutes les sauces.

Il serait temps qu’on informe M. Legault des aspiration­s des jeunes Québécois. Ceux-ci se soucient beaucoup de l’environnem­ent, sont nombreux à appuyer le développem­ent durable, et ne se retrouvent plus dans le « tout à l’auto » qui avait la cote il y a 60 ans.

Le premier ministre voudrait qu’on évite de faire du troisième lien un épouvantai­l et un repoussoir. Il faudrait d’abord qu’il parvienne à expliquer pourquoi il s’agit d’un bon projet, défi que personne n’est parvenu à relever jusqu’à maintenant.

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KARINE GAGNON Chroniqueu­se politique karine.gagnon @quebecorme­dia.com

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