Pas facile de coincer des géants
Netflix, Google, Apple et les autres géants de l’internet sont aussi insaisissables que des couleuvres. Ils le resteront tant que les pays dont ils font leurs choux gras n’arriveront pas à s’entendre pour les « squeezer ».
Un seul Québécois a-t-il cru le gouvernement libéral de Philippe Couillard lorsqu’il a annoncé qu’à compter du 1er janvier 2019, il allait forcer Netflix à percevoir la TPS ? Même si durant la campagne électorale, François Legault a déclaré la même chose, il semble avoir tout oublié.
En revenant de son voyage en Californie en avril 2017, la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, avait annoncé triomphalement avoir obtenu la promesse que Netflix dépenserait 500 millions $ sur cinq ans au Canada. Dont 25 millions $ pour étudier les possibilités d’exportation de notre production francophone. La pauvre s’est à tel point débattue pour faire croire à cette promesse qui ne convainquait personne qu’elle en a perdu son ministère.
Jusqu’à maintenant, on ne peut pas dire que les « sceptiques ont été confondus » ! Selon des estimations fiables, à peu près la moitié des nouvelles productions de Netflix ne proviennent pas des États-unis. Mais c’est à peine si 3 % de son répertoire au Canada se compose de productions canadiennes. Pas de quoi pavoiser !
LE MINISTRE RODRIGUEZ
Depuis sa nomination, Pablo Rodriguez, le nouveau ministre du Patrimoine, s’est montré très discret sur la possibilité de taxer les géants de l’internet. Il a bien raison de ne pas vouloir se mouiller, car le ministre des Finances lui-même admet que l’entreprise est complexe. Même pressé de toutes parts, Bill Morneau semble désormais résigné à attendre que s’établisse un consensus international sur cette question. C’est aussi la conclusion à laquelle sont arrivés les principaux pays européens.
La France espérait encore, il y a quelques mois, qu’une entente interviendrait d’ici à la fin de l’année entre les pays de l’union européenne. L’unanimité est loin d’être faite et le président Macron a d’autres chats à fouetter par les temps qui courent. Il préconisait que chaque pays de l’union européenne perçoive 3 % sur les revenus qu’en retirent les géants de l’internet.
DES FINANCES OPAQUES
Mais comment y arriver lorsque les finances de ces géants restent aussi opaques ? À l’automne 2014, Corie Wright, directrice des affaires publiques de Netflix, avait refusé de dévoiler au CRTC le nombre des abonnés canadiens. Ce n’était pas très compromettant. Reed Hastings, le grand boss, n’est pas prêt à ce que des fonctionnaires du revenu, quelle que soit leur nationalité, viennent fourrer leur nez dans ses livres.
UNE GOUTTE DANS L’OCÉAN
La semaine dernière, Netflix a annoncé qu’il produirait un premier long métrage québécois. L’heureux « gagnant » est le réalisateur Patrice Laliberté de la petite boîte de production Couronne Nord. C’est son premier long métrage. Netflix a fixé le budget à cinq millions de dollars, ce qui ne ruinera pas l’entreprise, car pour elle, c’est une goutte dans l’océan. Selon The Economist, Netflix aura consacré environ 13 milliards $ US en productions originales, cette année.
Hélas ! cette goutte dans l’océan suffira peut-être à faire taire nos producteurs et nos gouvernements. Comme la promesse des 500 millions $ faite à Mélanie Joly a failli réduire Ottawa au silence.