Les rouges devraient rougir
Habituellement, le rouge est la couleur que l’on prend lorsqu’on est mal à l’aise.
Cette semaine en chambre, ce fut au contraire celle du sans-gêne total. Je sais, une opposition officielle est là pour s’opposer. C’est au coeur de la définition de tâche.
Mais mon Dieu, n’y a-t-il pas des « règles d’après-mandat » implicites pour les ex-ministres, lorsqu’ils posent leurs premières questions en tant que critiques d’opposition ?
Des règles qui leur imposeraient une certaine honnêteté ; de la bonne foi.
MONTPETIT CULOTTÉE
Mercredi, c’est Marie Montpetit, la députée de Maurice-richard et maintenant critique en matière d’environnement, qui questionnait la ministre Mariechantal Chassé.
Sur le plan du théâtre parlementaire, l’ex-ministre de la Culture a brillé, a attaqué avec aplomb et verve sur la question des cibles de réduction des gaz à effet de serre qui ne seront pas atteintes.
« Clairement, il y a quelqu’un qui va être gêné la semaine prochaine à la COP24 », lance-t-elle. Puis elle ajoute : « Est-ce que ce sera les Québécois ou est-ce que ce sera la ministre de l’environnement parce qu’elle a abdiqué ses responsabilités? »
« Abdiquer ses responsabilités » ? Vraiment ? Voyons ! Mme Chassé est en poste depuis le 18 octobre ! L’environnement n’est pas la matière forte de la CAQ, mais elle ne pouvait quand même pas, en 30 jours, faire chuter la production de gaz à effet de serre au Québec.
Une chance pour Mme Montpetit que sa vis-à-vis est une néophyte en politique. Elle aurait mérité de se faire revirer comme une crêpe.
LES LIBÉRAUX
Les libéraux, à part les 18 mois Marois, ont été au pouvoir de 2003 à 2018.
Et comme l’a répondu très poliment la ministre Chassé, la quantité de gaz à effet serre produits au Québec a augmenté depuis 2014. Alors que Philippe Couillard prononçait de beaux discours verdoyants.
En fait, pour atteindre les cibles en 2020, le gouvernement Legault serait contraint de réduire, en deux ans, la production de gaz à effet de serre de près de 10 %, un objectif de diminution que les péquistes et surtout les libéraux ont mis 25 ans à atteindre.
Malgré tout, Mme Montpetit a fait comme si son parti n’avait aucune responsabilité dans cette affaire en osant parler du « rôle de leader que le Québec a toujours assuré ».
MAIN-D’OEUVRE
Hier, c’était au tour de Dominique Anglade d’attaquer le nouveau gouvernement au sujet de la pénurie de main-d’oeuvre. Elle reprochait au gouvernement, dans ce contexte, de vouloir réduire les seuils d’immigration.
« En plus de la pénurie de maind’oeuvre au Québec, est-ce qu’on a également, du côté de la CAQ, une pénurie de cohérence ? » Ici aussi, mesquinerie parlementaire classique.
Mais de la part d’une ancienne ministre d’un parti qui a raté son coup en la matière, faut-il le rappeler. Répétons-le : les libéraux sont arrivés au pouvoir en 2003.
L’année suivante, inquiets de l’état des finances publiques et des tendances démographiques, ils lancent des forums sur le sujet partout au Québec. En 2004, le président du Forum, Pierre Shedleur, écrit : « Les employeurs feront face à une importante pénurie de main-d’oeuvre. » Autrement dit, les libéraux furent mis très tôt au courant du problème qui se préparait dans leur premier mandat. Qu’ont-ils fait ? Hausser les seuils d’immigration. Est-ce que ça a empêché les pénuries ? Manifestement non.
Les libéraux auraient donc dû mettre en place d’autres mesures. À part des incitatifs timides afin de convaincre les travailleurs plus âgés de retarder la retraite ou de la prendre progressivement, il n’y a pas eu grand-chose.
Comment alors Mme Anglade peutelle, elle qui siégeait dans les banquettes libérales gouvernementales il y a quelques mois seulement, se montrer aussi étroitement partisane ?
Comme observateur du théâtre parlementaire depuis 2005, membre de la FADOQ par surcroît (à 50 ans, on est admis dans ce club sélect, s’amusent à me rappeler mes collègues), je devrais être devenu cynique ; habitué à la mauvaise foi partisane qui exsude de trop nombreux échanges au Salon bleu.
Mais non. Ça me fait encore rougir d’indignation.