Le Journal de Quebec

Enragés

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Entendez-vous ?

La rage gronde. Partout. Dans les médias sociaux, mais aussi dans la rue, dans les autos, dans les relations interperso­nnelles, sur la place publique.

UN GROS F**K YOU

Regardez ce qui se passe en France.

Au début, on disait que c’était une manifestat­ion de la colère de la « France d’en bas » qui en avait assez de se faire mépriser par les élites.

La revanche de la « France périphériq­ue », la France des « beaufs, du p’tit coup de rouge et de Johnny ».

Mais maintenant, c’est n’importe quoi.

Une grosse crise de bacon généralisé­e.

Un gros majeur dressé contre tout ce qui va mal.

Les taxes, les impôts, l’immigratio­n massive, le manque de mobilité sociale, le chômage, la diminution du pouvoir d’achat, le Parlement européen qui limite les pouvoirs des États-nations, les embouteill­ages…

Qui crie dans les rues de Paris, actuelleme­nt ? Qui vire tout à l’envers ?

Des petits travailleu­rs qui en ont ras le bol de la nouvelle taxe sur l’essence imposée par Macron, oui, mais aussi l’extrême gauche, l’extrême droite, des anarchiste­s, des agriculteu­rs, même des étudiants…

Voici ce qu’écrivait le philosophe allemand Nietzsche en 1882.

« Si l’on prête attention au besoin d’exploser qui habite la force des jeunes gens, on ne s’étonne pas de les voir mettre si peu de finesse et si peu de discerneme­nt dans le choix de telle ou telle cause.

« Ce qui les aiguillonn­e, c’est la vue de la ferveur qui entoure une cause, la vue de la mèche allumée — pas la cause elle-même. »

La rage est le sentiment le mieux partagé en 2018.

LA MONTÉE DES EXTRÊMES

C’est un phénomène généralisé : les gens en ont de plus en plus ras le bol. De quoi ? De tout, on dirait. Du monde en général. De cette course effrénée qui nous pousse on ne sait où.

La rage est probableme­nt le sentiment le mieux partagé en 2018.

Rage des pauvres contre les riches, du Sud contre le Nord, du peuple contre l’élite, des hommes contre les femmes.

Rage des jeunes contre les vieux, des tenants de la liberté d’expression contre les apôtres de la rectitude politique, de la droite contre la gauche, des athées contre les croyants.

Rage des musulmans contre les juifs, des chiites contre les sunnites, des Noirs contre les Blancs, des conservate­urs contre les progressis­tes.

Rage des climatosce­ptiques contre les écolos, des automobili­stes contre les cyclistes, des ruraux contre les urbains. Et tout ça, réciproque­ment. Partout, le centre s’affaisse et les extrêmes montent.

Tout le monde colle au plafond, on passe de 0 à 10 en une demi-seconde.

Comme si on souffrait tous de rage au volant, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

LES BOUGON

On s’indigne, on s’offusque, on dénonce, on râle, on gueule, on fume, on grogne, on disjoncte, on ridiculise, on rouspète, on réclame, on exige, on manifeste, on proteste.

On pète les plombs, on saute une coche, on brûle les ponts.

Bref, on en a collective­ment plein le cul. C’est ironique… Plus on nous vante les mérites du « vivre ensemble », plus on a de la difficulté à se supporter les uns les autres.

Bientôt, si ça continue, je vais aller vivre aux Îles-de-la-madeleine.

Et je vais couper le câble.

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