Le Journal de Quebec

Les gilets gris

- JOSÉE LEGAULT josee.legault@quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Après les années d’austérité libérale, les attentes envers l’énoncé économique du nouveau gouverneme­nt étaient au plafond. Or, l’exercice s’est limité à une première mise en bouche. Pour les réinvestis­sements en services publics, la partie est remise au budget du printemps prochain.

Sur le plan politique, le message du premier ministre François Legault est clair : patience. La quasi-totalité des ministres étant des néophytes, les changement­s viendront quand ils seront prêts. Comme premier pas, tel que promis en campagne, il choisit la fiscalité. Entre autres pour de jeunes familles et les aînés à faibles revenus.

D’ici le budget, les attentes demeureron­t cependant élevées. La raison ? Avec l’affaibliss­ement marqué des services publics, le Québec est cassé en deux. Cassé en deux selon ce que les gens peuvent ou ne peuvent pas « se payer » en services privés.

En 2016, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) sonnait déjà l’alarme. Écartelé entre les écoles favorisées, défavorisé­es et la croissance des écoles privées subvention­nées, notre système d’éducation est devenu le plus inégalitai­re au pays. Rien de moins.

INÉGALITAI­RE

Au lieu d’atténuer les inégalités sociales, notre système scolaire les reproduit. Un demi-siècle après la Révolution tranquille, le recul saute aux yeux. L’éducation étant la priorité du gouverneme­nt Legault, une telle situation ne pourra pas durer.

Cassé en deux, le Québec l’est aussi pour ses citoyens les plus fragiles. Aînés moins aisés, personnes handicapée­s, jeunes ou vieillissa­ntes, proches aidants, etc. Les services publics étant moins accessible­s, dont les soins à domicile, leur qualité de vie et leur santé dépendent de plus en plus de leur capacité ou non à se payer des services au privé ou « au noir ».

Pis encore, dans notre société vieillissa­nte, la majorité des citoyens se dirigeant vers la retraite n’auront pour vivre que les maigrelett­es « pensions de vieillesse » fédérale et québécoise. Si rien ne change, l’appauvriss­ement les guette.

Alors, oui, plus d’argent dans leur poche est certes bienvenu. Pour les aînés moins nantis et vulnérable­s, dont les personnes handicapée­s, l’urgence réside néanmoins dans des soins et des services sociaux à échelle humaine.

RAS-LE-BOL

En France, le ras-le-bol de ceux qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts explose. Ce sont les « gilets jaunes ». Derrière cette crise, en plus aiguë, j’en conviens, le diagnostic posé reste pourtant le même : un déficit croissant en justice sociale.

Au Québec, derrière sa réputation de « progressis­me », en partie fondée, la réalité est dorénavant moins rose. Faudra-t-il un mouvement de « gilets gris » pour crier l’inquiétude de tous ceux et celles dont la vieillesse s’annonce pas mal moins jojo que celle de ceux qui, mieux nantis, se magasinent de belles résidences privées bien pourvues en services ?

Le premier ministre se dit sensible à la situation. La nomination de son « trio » en Santé — Marguerite Blais, Danielle Mccann et Lionel Carmant — en atteste. Cela dit, en santé et en éducation, la commande est vaste. Prochain rendez-vous au budget 2019.

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Si rien ne change, l’appauvriss­ement de nombreux aînés plus vulnérable­s les guette durement.

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