Les gilets gris
Après les années d’austérité libérale, les attentes envers l’énoncé économique du nouveau gouvernement étaient au plafond. Or, l’exercice s’est limité à une première mise en bouche. Pour les réinvestissements en services publics, la partie est remise au budget du printemps prochain.
Sur le plan politique, le message du premier ministre François Legault est clair : patience. La quasi-totalité des ministres étant des néophytes, les changements viendront quand ils seront prêts. Comme premier pas, tel que promis en campagne, il choisit la fiscalité. Entre autres pour de jeunes familles et les aînés à faibles revenus.
D’ici le budget, les attentes demeureront cependant élevées. La raison ? Avec l’affaiblissement marqué des services publics, le Québec est cassé en deux. Cassé en deux selon ce que les gens peuvent ou ne peuvent pas « se payer » en services privés.
En 2016, le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) sonnait déjà l’alarme. Écartelé entre les écoles favorisées, défavorisées et la croissance des écoles privées subventionnées, notre système d’éducation est devenu le plus inégalitaire au pays. Rien de moins.
INÉGALITAIRE
Au lieu d’atténuer les inégalités sociales, notre système scolaire les reproduit. Un demi-siècle après la Révolution tranquille, le recul saute aux yeux. L’éducation étant la priorité du gouvernement Legault, une telle situation ne pourra pas durer.
Cassé en deux, le Québec l’est aussi pour ses citoyens les plus fragiles. Aînés moins aisés, personnes handicapées, jeunes ou vieillissantes, proches aidants, etc. Les services publics étant moins accessibles, dont les soins à domicile, leur qualité de vie et leur santé dépendent de plus en plus de leur capacité ou non à se payer des services au privé ou « au noir ».
Pis encore, dans notre société vieillissante, la majorité des citoyens se dirigeant vers la retraite n’auront pour vivre que les maigrelettes « pensions de vieillesse » fédérale et québécoise. Si rien ne change, l’appauvrissement les guette.
Alors, oui, plus d’argent dans leur poche est certes bienvenu. Pour les aînés moins nantis et vulnérables, dont les personnes handicapées, l’urgence réside néanmoins dans des soins et des services sociaux à échelle humaine.
RAS-LE-BOL
En France, le ras-le-bol de ceux qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts explose. Ce sont les « gilets jaunes ». Derrière cette crise, en plus aiguë, j’en conviens, le diagnostic posé reste pourtant le même : un déficit croissant en justice sociale.
Au Québec, derrière sa réputation de « progressisme », en partie fondée, la réalité est dorénavant moins rose. Faudra-t-il un mouvement de « gilets gris » pour crier l’inquiétude de tous ceux et celles dont la vieillesse s’annonce pas mal moins jojo que celle de ceux qui, mieux nantis, se magasinent de belles résidences privées bien pourvues en services ?
Le premier ministre se dit sensible à la situation. La nomination de son « trio » en Santé — Marguerite Blais, Danielle Mccann et Lionel Carmant — en atteste. Cela dit, en santé et en éducation, la commande est vaste. Prochain rendez-vous au budget 2019.