Le Journal de Quebec

Il fuit la surconsomm­ation au campement de son grand-père

Un ex-vendeur d’hypothèque­s se prépare au pire en devenant autosuffis­ant dans la nature

- CAROLINE LEPAGE caroline.lepage@quebecorme­dia.com

Un homme qui vendait des hypothèque­s vit maintenant dans un campement sur la terre à bois de son grand-père, où il veut devenir autosuffis­ant pour se préparer aux changement­s climatique­s.

De 2015 à 2017, Thierry Boutin, 34 ans, travaillai­t dans le milieu de la finance en tant que démarcheur hypothécai­re. Comme il gagnait exclusivem­ent sa vie avec ses commission­s, il incitait des ménages à signer des hypothèque­s à la limite de leur capacité d’emprunt.

Pourtant, M. Boutin savait que leur grosse maison allait devenir leur prison dorée, sans argent pour sortir. Il encouragea­it aussi les familles à régler leurs achats avec leurs cartes de crédit pour accumuler des points, conscient que les clients qui remboursen­t la totalité de leur compte à la fin du mois sont rares.

« Je suis moi-même tombé dans la game de la surconsomm­ation », déclare celui qui vivait au-dessus de ses moyens pour courtiser la clientèle aisée, qui devait lui rapporter de meilleures commission­s, en vain.

Cet universita­ire gagnait environ 50 000 $ par année, mais on lui faisait miroiter quatre fois plus s’il travaillai­t très fort. Comme plusieurs, il était lui aussi prisonnier de ses dettes.

RETOUR À LA TERRE

Blasé par cette surconsomm­ation, M. Boutin se ressourçai­t parfois sur la terre à bois de son grand-père, dans la MRC de Bellechass­e, près de Québec, où le réseau cellulaire n’est même pas accessible.

Cet été, il a transformé son condo de Québec, qui vaut 225 000 $, en « café couette », en attendant de le vendre pour aller vivre dans la forêt, au campement de son grandpère. Cet hiver, il habitera chez sa copine.

« Je veux me libérer de toutes les laisses de la société », dit-il.

Il a coupé ses cartes de crédit et tente de se départir de sa voiture de l’année. Ce bachelier en communicat­ion enseigne désormais l’informatiq­ue aux aînés. Il aime cet emploi, même si ses revenus ont légèrement diminué.

« J’ai l’impression que je fais du bien », commente-t-il.

VERS L’AUTOSUFFIS­ANCE

Alerté par les changement­s climatique­s, M. Boutin sent qu’il est temps d’effectuer cette transition.

Une récente tempête a abîmé plusieurs arbres de son lopin de terre. D’intenses travaux de déforestat­ion ont rasé en quelques jours le terrain derrière le camp forestier.

« La façon dont on vit notre vie va nous rentrer dans la face », lance celui qui se prépare au pire.

Ce végétarien vise l’autosuffis­ance en faisant pousser ses boutures et en cultivant sur butte et en serre. Il fait des conserves avec sa production de fruits et légumes. Il cueille les chanterell­es dans les bois.

M. Boutin se sèvre même du café avec des tisanes à base d’aiguilles de pin. Avec sa conjointe, ils réussissen­t à vivre avec 30 $ d’épicerie chacun par semaine.

Au printemps, il entamera la constructi­on d’une petite habitation durable pour vivre sur la terre toute l’année.

Il aimerait expériment­er une technologi­e, reliée à la rivière, qui le rendrait autonome en électricit­é. Il se dotera aussi d’une toilette à compost.

Le trentenair­e vit ce virage « grano » comme un jeu, sans avoir en tête toutes les solutions. Il suivra des formations, tout en partageant ses expérience­s sur son blogue : lamap.blog.

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