ACCROCHÉ ÀSONRÊVE
Le Québécois Luguentz Dort fait tourner les têtes de la planète basketball dans la NCAA
LAS VEGAS | Luguentz Dort, garde des Sun Devils de l’université Arizona State, brûle littéralement le parquet du T-mobile Arena en offrant le titre du tournoi MGM Resorts Main Event à son équipe. Ce soir-là du 21 novembre, en coulisses, son nom circule dans toutes les conversations. Avec ses 33 points, le Montréalais fait son nom à travers la NCAA.
Rares sont les Québécois qui font saliver les entraîneurs et dépisteurs de la NBA. Le Journal est allé à sa rencontre à Sin City, en novembre, pour le voir à l’oeuvre à ce tournoi automnal d’envergure.
L’instant de trois jours, la gomme des réseaux de télévision de la côte ouest américaine y est réunie pour épier quatre équipes de pointe du circuit national. Dans les corridors, on entend : « Incroyable, qui est ce Luguentz? D’où vient-il? » Dort n’est pas issu du programme scolaire américain.
DÉBUT FRACASSANT
En s’imposant devant les Aggies d’utah State, une formation du top 20 de la NCAA, le costaud gaillard de 6 pi 4 po et 220 livres a offert sa meilleure performance sur le terrain, lui permettant de rafler le trophée du joueur par excellence du tournoi.
« C’était mon objectif de faire un grand feu d’artifice, car venant du Canada, personne ne me connaissait. Il fallait que je crée une explosion », assure l’athlète qui se démarque autant autour du panier avec ses puissantes poussées qu’en défensive. Malgré son étiquette de freshman, il joue avec confiance et affiche la prestance d’un vétéran.
À 19 ans et seulement quatre matchs à son actif dans l’uniforme bourgogne et jaune avant de se pointer à Vegas, Dort avait déjà fait des flammèches. À son match d’ouverture sous les couleurs de l’université d’arizona State, il a pulvérisé la marque de points marqués par une recrue. Avec ses 28 points, il a tôt fait de s’inscrire dans le livre des records et de se faire connaître à travers le campus.
Le grand numéro 0 a motivé sa présence sur les écrans radars des dépisteurs de la NBA en prévision du prochain repêchage. Son fracassant début de saison le place parmi les 20 meilleurs espoirs sur certaines listes réputées, comme celle du réseau ESPN et du magazine Sports Illustrated. Son nom est précédé de cinq belles étoiles. Un sceau d’excellence destiné à une forte possibilité d’appel en première ronde au Barclays Center de Brooklyn, en juin.
DE MONTRÉAL-NORD À LA NCAA
En sept ans, il est passé du parc SaintLaurent, à jouer avec ses frères et ses amis, aux parquets de la NCAA. Et selon les experts, Dort pourrait franchir les portes de la NBA dès la prochaine saison. Une progression fulgurante pour celui qui jouait au soccer jusqu’à l’âge de 12 ans.
Ayant grandi dans une famille haïtienne de six enfants à Montréal-nord, Luguentz n’a pas marché sur un long tapis rouge pour se rendre jusqu’aux Sun Devils. Sa route a été sinueuse, frustrante et jonchée d’obstacles. Son amour pour le ballon orangé était son carburant pour toucher à son rêve.
Dans un milieu dur, il s’est accroché à l’espoir d’atteindre la NBA. Maintes fois, il aurait pu lâcher et céder à la tentation de rejoindre des gens peu fréquentables du monde interlope. Il a vu des amis sombrer dans la drogue et la criminalité. Il préférait s’entraîner et parfaire ses habiletés avec le ballon dans le gym.
« Je n’étais pas souvent à la maison. Je sortais à 6 h du matin, je m’entraînais, j’allais à l’école et je jouais au basket. Je rentrais à la maison vers 20 h. C’était comme ça toute l’année », raconte Luguentz en entrevue avec Le Journal, confortablement installé au Bellagio, à Vegas. Une rare occasion de parler sa langue maternelle, le français, dans un univers anglo.
« Je ne voyais pas mes amis du quartier, poursuit celui qui s’est mis au basket à son entrée au secondaire. Les seules fois que je pouvais les croiser, c’était le weekend quand je n’avais pas de match. C’était assez rare. En changeant d’école, je me suis ensuite éloigné de mon quartier.
Il y a de mes connaissances qui ont pris des chemins très différents. Certains sont en prison. Quand je regarde où je suis rendu et où ils sont rendus, c’est dur à prendre. »
LES BONS CHOIX
S’il ne les a pas suivis, c’est qu’un ange gardien veillait sur lui. Nelson Ossé l’a rapidement pris sous son aile. À l’époque, le coordonnateur du programme des Knights de Parc-extension voyait un véritable diamant brut. En multipliant les bons choix, fruits de mûres réflexions, l’étoile du ballon orangé a fait sa route. « On l’a récupéré grâce à ce sport, constate Ossé, rempli de fierté. Il a écouté ce qu’on lui a dit. Sinon, il n’y serait pas parvenu.
Son objectif, ce n’est pas seulement d’atteindre la NBA. C’est d’être reconnu comme l’un des meilleurs joueurs et gagner. Si je me fie aux experts, avec ce que j’observe depuis le début du calendrier, il ne fait aucun doute qu’il réalisera ses objectifs. »