Le Journal de Quebec

Le bal des victimes

-

Le British Film Institute, un organisme public chargé de promouvoir le cinéma, a décidé de ne plus financer des films qui montrent des méchants avec des cicatrices sur le visage. Pourquoi ?

Parce qu’une associatio­n de personnes défigurées (Changing Faces) a affirmé que ses membres étaient écoeurés de voir des bandits avec des balafres, au cinéma.

C’est discrimina­toire, a fait savoir l’associatio­n.

C’est rendu que les gens ont peur des personnes défigurées.

Ils pensent que nous sommes des criminels. Comme le Joker dans Batman.

PRENEZ UN NUMÉRO

Eh oui, on est rendu là. Après les homophobes et les transphobe­s, voici maintenant les cicatriçop­hobes.

Vous voulez déposer une plainte à la Commission des droits de la personne pour discrimina­tion ?

Prenez un numéro et faites la queue. Il y a des milliers de personnes qui attendent.

Le président de l’associatio­n des personnes de petite taille.

La présidente de l’associatio­n des personnes albinos.

Le président de l’associatio­n des personnes obèses.

Le président de l’associatio­n des hommes-troncs.

Chacune avec sa liste de doléances.

« Arrêtez de montrer des clowns psychopath­es. Arrêtez de montrer des savants fous. Arrêtez de montrer des millionnai­res croches. Arrêtez de montrer des célibatair­es malheureux. »

Il y a des lobbys pour tous les groupes d’êtres humains, maintenant.

Le gouverneme­nt devrait publier un répertoire annuel : le Catalogue des victimes.

« Je suis un fumeur et je suis écoeuré qu’on montre toujours des officiers nazis en train de fumer dans les films de guerre. Qui dois-je contacter pour dé- fendre mes droits?

— Allez à la page 158, vous trouverez le numéro de téléphone de l’associatio­n des fumeurs pour une meilleure représenta­tion au cinéma. Il y a aussi l’associatio­n des Allemands qui sont écoeurés de voir des films sur les nazis. »

UN CADEAU POUR TRUMP

Comment sommes-nous devenus si délicats et si susceptibl­es, grands dieux ?

L’autre jour, à HBO, une journalist­e a expliqué pourquoi, selon elle, Donald Trump est si populaire auprès d’un si grand nombre d’américains, malgré les gaffes qu’il ne cesse de commettre jour après jour.

« Donald Trump a dit : “Vous êtes tannés de vivre dans un monde où l’on ne peut plus rien dire ? Votez pour moi, vous pourrez tout dire, même les pires imbécillit­és.” »

C’est la meilleure explicatio­n du phénomène Trump que j’ai entendue.

Contrairem­ent à ce que pensent les gauchistes, la rectitude politique n’améliore pas le monde. Elle ouvre la voie au populisme.

Les gens en ont tellement ras le bol de cette litanie de plaintes et de ces demandes ridicules de censure qu’ils sont prêts à voter pour le premier colon qui dit des énormités.

Regardez ce qui s’est passé au Brésil. Les électeurs ont voté pour un homme qui a affirmé préférer avoir un fils mort qu’un fils gai !

« Oui, mais au moins, il dit ce qu’il pense… » C’est le retour du balancier. On est tellement tanné des geignards et des pleurnicha­rds qu’on a le goût d’applaudir dès qu’un macho envoie promener tout le monde.

LE SYMPTÔME

Le populisme n’est pas la maladie. C’est le symptôme, la conséquenc­e.

Comme disait Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

 ??  ?? RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com
RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

Newspapers in French

Newspapers from Canada