Quand Pékin exporte ses centrales à charbon
Des investissements qui compromettent la lutte au réchauffement
PARIS | (AFP) La Chine se bat d’un côté chez elle pour limiter sa production d’énergie liée au charbon, mais de l’autre, le premier émetteur de CO2 au monde exporte cette technologie polluante en Asie, en Afrique et au Moyen-orient, selon les experts.
Les émissions de CO de ces centrales à charbon financées par la Chine pourraient handicaper les efforts mondiaux pour freiner le réchauffement climatique provoqué par les carburants fossiles, en particulier la houille, mettent en garde ces spécialistes.
CONTRADICTION
« La Chine est le leader mondial pour prendre des mesures et faire les investissements nécessaires pour progressivement décarboner son économie », explique Tim Buckley, du think tank Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). « Mais au niveau international, la Chine continue d’investir dans une série de projets charbon, en contradiction directe avec sa stratégie énergétique nationale. »
Le charbon représente 40 % des émissions mondiales de CO , et plus des deux cinquièmes de l’électricité mondiale est produite grâce à cette énergie, soit près du double de la part du gaz naturel et 15 fois plus que l’éolien et le solaire combinés.
Un quart des centrales à charbon en projet ou en construction hors de Chine sont soutenues par des institutions financières officielles et des entreprises chinoises, selon une étude de L’IEEFA.
« Le risque est d’enfermer ces pays dans quelque chose qui n’est pas bon pour eux à long terme, et c’est incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris » qui vise à limiter le réchauffement à maximum +2 °C, souligne Christine Shearer, auteure de cette étude.
Nombre des bénéficiaires des largesses chinoises (Égypte, Nigeria, Kenya, Sénégal, Zimbabwe...) n’ont aujourd’hui aucune ou très peu d’énergie produite par le charbon et pas de charbon pour alimenter les futures centrales.
« Cela veut dire qu’ils devront construire des infrastructures d’importation ou des mines de charbon », note Christine Shearer.
2500 CENTRALES
Pour limiter le réchauffement à +1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle, les scientifiques du GIEC ont souligné qu’il faudrait réduire les émissions de près de la moitié d’ici 2030.
Malgré tout, les institutions financières chinoises ont engagé plus de 21 G$ pour développer 31 gigawatts de centrales à charbon dans une douzaine de pays, et 15 G$ supplémentaires sont en projet pour financer des capacités de 71 GW dans 24 autres pays.
Il existe déjà aujourd’hui près de 2500 centrales à charbon d’au moins 30 mégawatts, pour une capacité totale de quelque 2000 GW.
Selon L’ONU, pour garder le monde sous les +1,5 °C, il faudrait quasiment éliminer le charbon des mix énergétiques d’ici 2050.