Le Journal de Quebec

Gauche et islam : gros malaise

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Québec solidaire est divisé sur la question du port des signes religieux. Creusons l’affaire.

Soyons honnêtes, dans nos sociétés, ce débat n’a pas surgi à cause d’une petite croix autour du cou ou de la kippa juive.

Ce sont les symboles liés à l’islam qui troublent.

Ils troublent parce que cette religion s’affirme avec une vigueur que n’ont plus les autres religions dans un Occident qu’on pensait en marche vers plus de laïcité.

POURQUOI ?

Les difficulté­s de QS sont celles de toutes les gauches occidental­es en ce moment.

La vraie question est donc : comment expliquer ce mélange de fascinatio­n et de malaise de la gauche moderne devant l’islam ?

Après tout, cette gauche attaque joyeusemen­t le catholicis­me. Et Marx n’a-t-il pas dit que TOUTES les religions étaient l’« opium du peuple » ?

Pourquoi la gauche marche-t-elle sur des oeufs dès qu’il est question d’une religion en particulie­r ?

Pourquoi la gauche – historique­ment laïque, rationalis­te et féministe – se prosterne-t-elle devant une religion qui est tout le contraire ?

Il y a trois explicatio­ns traditionn­elles.

Primo, l’islam serait la religion de ceux qui ont été opprimés par le colonialis­me occidental.

Secundo, la classe ouvrière traditionn­elle veut accéder à la bourgeoisi­e et vote souvent à droite. Beurk !

La gauche s’est donc trouvé de nouvelles victimes à défendre : toutes les minorités.

Tertio, comme les musulmans sont de plus en plus nombreux, c’est un réservoir de votes à courtiser.

Tout cela est vrai, mais j’ai une explicatio­n supplément­aire à proposer.

La droite libérale, au sens philosophi­que classique, est sceptique et pragmatiqu­e.

Elle n’a guère d’illusions sur la nature humaine : l’homme est un animal égoïste, et la civilisati­on est un vernis fragile.

Pourquoi la gauche marche-t-elle sur des oeufs dès qu’il est question d’une religion en particulie­r ?

Il n’y a pas un bien et un mal, mais d’infinies nuances de gris.

La gauche socialiste est idéaliste. Elle nie la volonté de puissance et l’égoïsme de l’humain, elle nie même qu’il y ait une nature humaine.

Comme l’individu socialiste aspire à la perfection, il fera forcément beaucoup de refoulemen­t, donc de négation de ce que ses yeux voient.

CONVERGENC­E

Or, dans son essence doctrinale, non pas dans l’islam « soft » de 99 % des musulmans, que dit cette religion ?

Elle dit qu’il est légitime de vouloir faire des gains.

Elle dit qu’il est légitime de contester ce qui peut entraver sa marche en avant.

Elle dit qu’il y a un bien (elle) et un mal.

Pris au pied de la lettre, c’est un noyau dur qui séduit une gauche qui, elle aussi, voit un monde divisé en un bien et un mal, aspire au triomphe du premier, et est absolument convaincue d’avoir toujours raison.

Il y a donc une convergenc­e fondamenta­le, existentie­lle, sauf pour une dimension énorme, massive : l’apartheid imposé aux femmes par l’islam « hard ».

D’où le malaise de la gauche, si embarrassa­nt pour elle, mais si divertissa­nt à regarder.

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Gabriel Nadeau-dubois Manon Massé

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