PAS DE PRISON POUR ROZON
Aucune accusation malgré les nombreuses plaintes
Aucune accusation criminelle ne sera déposée contre Gilbert Rozon malgré toutes les plaintes d’inconduite sexuelle, a appris Le Journal hier, alors que la Couronne expliquait sa décision aux plaignantes.
« Désolée, je ne peux pas vous parler », a soufflé, la mine basse, la comédienne Patricia Tulasne, visiblement ébranlée après sa rencontre avec les enquêteurs et un représentant du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), hier au palais de justice de Montréal.
Mme Tulasne fait partie des femmes qui avaient fait une sortie publique en octobre 2017.
Elle accusait alors le fondateur de Juste pour rire de l’avoir agressée sexuellement en 1994.
Plus d’une dizaine de femmes avaient porté plainte contre Rozon.
Mais depuis lundi, après plus d’un an d’enquête policière, elles apprennent une à une que le DPCP n’est pas en mesure de déposer des accusations. Une à une, elles sont rencontrées par un procureur qui leur explique la situation.
Selon nos informations, la Couronne s’est butée à plusieurs contradictions dans les dépositions de certaines victimes présumées.
Certaines d’entre elles se sont également rencontrées à plusieurs reprises pour parler du dossier, ce qui a créé un risque que leurs versions aient été contaminées.
DOUTE RAISONNABLE
Dans un cas, une des femmes n’aurait pas été capable d’identifier hors de tout doute Rozon comme étant son agresseur, a appris Le Journal.
Le DPCP, qui a encore des rencontres avec des victimes présumées aujourd’hui, est resté muet hier.
« [Nous] ne communiquerons les informations publiques qu’au terme de ce processus », a fait savoir son porte-parole, Jean-pascal Boucher.
Gilbert Rozon, de son côté, a affirmé en début d’année n’avoir « jamais fait l’amour à quelqu’un, à une personne qui [lui] a dit non ».
Il s’en tire donc sans accusation criminelle.
« Cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais eu d’agressions, mais que la Couronne estime être incapable de prouver hors de tout doute raisonnable qu’un acte criminel a été commis », rappelle la juge retraitée Nicole Gibeault.
CE N’EST PAS FINI
La décision du DPCP n’interférera toutefois pas avec l’action collective intentée par des femmes réunies sous le nom des Courageuses. Elles réclament à Rozon plus de 10 millions $ pour des inconduites sexuelles qu’il aurait commises de 1982 à 2016.
L’avocat qui pilote ce recours, Robert Kugler, a d’ailleurs rappelé que les règles étaient différentes au civil, avec un fardeau de preuve moins élevé.
« Une autre différence majeure est qu’au criminel, on ne peut pas forcer un accusé à témoigner alors qu’on peut exiger son témoignage au civil », explique l’avocat.
Gilbert Rozon, qui conteste la validité de cette action collective, n’a pas souhaité commenter, a fait savoir son porte-parole hier.