Des millions détournés par Porter ont échappé à la justice
L’ex-patron du CUSM et sa femme ont réussi à vendre des propriétés visées par des ordonnances de blocage
Les millions de dollars détournés par Arthur Porter et sa femme dans le plus grand scandale de corruption de l’histoire moderne du Canada, celui du Centre universitaire de santé Mcgill, ont échappé aux autorités québécoises.
Selon les informations obtenues par notre Bureau d’enquête, le couple a réussi à vendre des propriétés sous le nez des autorités malgré des ordonnances de blocage émises par la justice québécoise. Des millions de dollars ont ainsi échappé au trésor public et ne seront probablement jamais récupérés.
Pourtant, après l’arrestation d’arthur Porter et de sa femme Pamela, en 2013, les policiers de l’unité permanente anticorruption (UPAC) avaient réussi à retracer plus de 20 M$ sur les 22,5 M$ versés en pots-de-vin par Snc-lavalin.
La firme avait versé cette somme pour obtenir le contrat de construction du campus Glen du Centre universitaire de santé Mcgill (CUSM) en partenariat public-privé (PPP), un projet de plus de 1,4 milliard $.
Alors directeur général de l’hôpital, Porter a reçu plus de 10 M$, tout comme son adjoint, Yanai Elbaz. En échange de l’argent, les deux hommes ont influencé le processus d’octroi du contrat en faveur de Snc-lavalin pour la construction et l’entretien du mégahôpital jusqu’en 2044.
Porter est mort d’un cancer alors qu’il était en prison au Panama, en 2015, alors qu’elbaz a été condamné à 39 mois de prison en décembre dernier.
VENDUES AVANT LA SAISIE
En 2013, la justice a émis des ordonnances de blocage concernant des propriétés, comptes en banque et actifs aux quatre coins du monde que l’on associait aux pots-de-vin.
Ces ordonnances visaient à empêcher la vente de ces actifs en attendant une éventuelle saisie des autorités.
Puis, lorsqu’elle a plaidé coupable à des accusations de recyclage de produits de la criminalité, en décembre 2014, Pamela Porter a consenti à la saisie d’une série de propriétés aux États-Unis, aux Bahamas et aux îles Saint-Christophe-Et-Niévès dans les Caraïbes. Elle reconnaissait alors qu’elles avaient été achetées avec l’argent détourné au CUSM.
La valeur totale de ces propriétés ainsi que l’argent de deux comptes bancaires totalisaient plus de 5,4 M$.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, certaines de ces propriétés avaient déjà été vendues à ce moment, avons-nous découvert ( voir autres textes).
SA CAUTION CONFISQUÉE
Si bien que quatre ans plus tard, nos sources indiquent que la justice québécoise a seulement récupéré environ 300 000 $ appartenant aux Porter. Il s’agit du montant de la caution de 250 000 $ de Pamela Porter et d’un autre 50 000 $ qui se trouvait dans un compte de la Banque Royale.
Selon nos informations, il serait bien surprenant que l’on revoie un jour la couleur de tout l’argent détourné.
Interrogé par notre Bureau d’enquête, le porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Jean-pascal Boucher, n’a pas voulu commenter et nous a référé à Justice Canada, qui doit faire appliquer les jugements à l’étranger.
« Puisque vos questions traitent d’une demande active d’entraide judiciaire, nous ne pouvons commenter », s’est alors contenté de répondre le responsable des relations médias de Justice Canada, Ian Mcloed.
Ce n’est pas la première fois que la justice québécoise peine à récupérer des fonds envoyés à l’étranger. En décembre, notre Bureau d’enquête révélait que les 4,7 M$ détournés en Chine par un ex-cadre de la Ville de Montréal, il y a 10 ans, n’ont pas été retracés.
Dans le cas de Yanai Elbaz, le DPCP a obtenu le rapatriement des sommes détournées dans une banque en Suisse après son plaidoyer de culpabilité en décembre. D’après L’UPAC, 4 M$ avaient été transférés dans ce compte au nom de la compagnie Dallano Holdings. Cette société enregistrée au Panama a servi de prête-nom, selon les documents de cour.