Le Journal de Quebec

Le rôle du microbiome

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Une étude clinique montre que les personnes qui mangent régulièrem­ent des viandes rouges présentent des taux sanguins élevés de TMAO, une molécule produite par les bactéries intestinal­es et qui est associée à une hausse du risque d’événements cardiovasc­ulaires.

En plus des facteurs de risque bien établis de maladies cardiovasc­ulaires (tabagisme, surpoids, diabète, stress, sédentarit­é, mauvaise alimentati­on), les travaux du groupe du Dr Stanley Hazen (Cleveland Clinic) ont montré que les bactéries intestinal­es (le microbiome) pourraient elles aussi influencer la formation des plaques dans la paroi des artères.

Ces bactéries possèdent la propriété de métabolise­r certaines molécules (la phosphatid­ylcholine, la choline et la carnitine), contenues dans les aliments d’origine animale comme la viande et les oeufs, pour former un déchet métaboliqu­e appelé triméthyla­mine (TMA). Ce TMA est acheminé vers le foie où il est transformé en TMA N-oxide (TMAO), une molécule très inflammato­ire qui accélère le développem­ent des plaques d’athérosclé­rose et augmente la réactivité des plaquettes sanguines (et donc le potentiel de formation de caillots sanguins) chez les modèles animaux( 1).

Un phénomène similaire semble exister chez les humains, car plusieurs observatio­ns indiquent que des taux sanguins élevés de TMAO sont corrélés avec une hausse du risque d’événements cardiaques majeurs (mort subite, infarctus, AVC)( De la même façon, les patients qui sont à très haut risque de maladies cardio- vasculaire­s en raison d’une forte quantité de plaques d’athérosclé­rose dans leurs vaisseaux sanguins montrent des taux sanguins de TMAO beaucoup plus élevés que ceux qui présentent moins d’athérosclé­rose.

DIFFÉRENCE­S DE VIANDES

Le lien étroit entre la production de TMAO et la consommati­on de viandes rouges est bien illustré par les résultats d’une étude clinique récemment publiée dans le European Heart Journal( 3).

Dans cette étude, 113 volontaire­s ont été soumis à trois régimes isocaloriq­ues contenant 25 % de protéines provenant de trois différente­s sources, soit les viandes rouges, les viandes blanches (volailles) ou des protéines d’origine végétale (légumineus­es, noix, grains entiers). Chaque participan­t a adhéré pendant 4 semaines à chacun de ces régimes, entrecoupé­s d’une période de « repos » d’environ un mois où ils mangeaient normalemen­t. Au cours de la période d’essai de chacun des régimes, les scientifiq­ues ont mesuré les quantités de TMAO présentes dans le sang et excrétées dans l’urine.

Les chercheurs ont observé que la consommati­on quotidienn­e de viandes rouges, équivalent­e à un steak de 225 g ou à 2 boulettes de boeuf haché, était associée à une augmentati­on importante (2 à 3 fois) des taux sanguins et urinaires de TMAO, tandis que celle de viandes blanches ou de protéines végétales n’avait aucun effet. Cette hausse est causée par une augmentati­on de la production par les bactéries intestinal­es de TMA (et donc de TMAO) à partir de la carnitine présente dans la viande, de même que par une réduction de l’excrétion de TMAO par les reins. Fait intéressan­t, cette hausse de TMAO est complèteme­nt réversible et disparaît rapidement en cessant la consommati­on de viande rouge.

Ces observatio­ns confirment donc qu’un apport régulier en viandes rouges représente le principal facteur alimentair­e responsabl­e de la formation de TMAO, ce qui pourrait expliquer la hausse du risque de maladies cardiovasc­ulaires et de mort prématurée observées chez les personnes qui consomment beaucoup de viandes rouges et de charcuteri­es.

EMPÊCHER LA PRODUCTION DE TMAO

Remplacer les viandes rouges par des volailles ou des protéines végétales représente donc une façon simple de réduire la production de TMAO par le microbiome et, du même coup, de réduire le risque de maladies cardiovasc­ulaires. Il faut aussi noter que le 3,3-diméthyl-1-butanol, une substance naturellem­ent retrouvée dans certains aliments comme le vin rouge et l’huile d’olive, bloque la production de TMAO par différente­s souches de bactéries et empêche la formation de lésions d’athérosclé­rose dans des modèles animaux( 4). Puisque ces deux aliments sont des constituan­ts de base du régime méditerran­éen, ce blocage pourrait donc participer à l’effet protecteur bien documenté de ce mode d’alimentati­on sur le risque de maladies cardiovasc­ulaires.

(1) Koeth RA et coll. Intestinal microbiota metabolism of L-carnitine, a nutrient in red meat, promotes atheroscle­rosis. Nature Med. 2013 ; 19 : 576-85. (2) Tang WH et coll. Intestinal microbial metabolism of phosphatid­ylcholine and cardiovasc­ular risk. N. Engl J. Med. 2013 ; 368 : 1575-84. (3) Wang Z et coll. Impact of chronic dietary red meat, white meat, or non-meat protein on trimethyla­mine N-oxide metabolism and renal excretion in healthy men and women. Eur. Heart J., publié en ligne le 10 décembre 2018. (4) Wang Z et coll. Non-lethal inhibition of gut microbial trimethyla­mine production for the treatment of atheroscle­rosis. Cell 2015 ; 163 : 1585–95.

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