Le Journal de Quebec

Dérapages et méchanceté­s

Un constat juste et précis signé Fabien Cloutier

- YVES LECLERC

Des gens qui se coupent la parole, qui se lancent d’énormes vacheries et qui ne s’écoutent pas. Bonne retraite, Jocelyne est une pièce qui témoigne avec justesse de la façon de débattre, aujourd’hui, dans la sphère publique.

Pour sa nouvelle création, à l’affiche jusqu’au 9 février au Trident, Fabien Cloutier dépeint ce phénomène, à sa façon, à travers une famille solidement disjonctée.

Une famille qui se « picosse » allègremen­t et sans vraiment se soucier du mal qu’elle peut faire. L’important, c’est d’avoir le dernier mot ou de lancer la phrase qui tue.

Affligée par la mort d’une collègue de travail, décédée beaucoup trop jeune, Jocelyne décide de prendre sa retraite. Elle invite les membres de sa famille, incluant les conjoints et les enfants, pour leur annoncer la bonne nouvelle.

Avant que Jocelyne, interprété­e par Josée Deschênes, dévoile qu’elle ne travailler­a plus, on s’amuse, on joue à un jeu de devinettes et on se « picosse » sans trop de méchanceté.

Rapidement, des flèches empoisonné­es seront décochées. Et ça dégénère. Les attaques se font maintenant à l’interne. On déterre certaines choses, on porte encore des jugements et on manque, surtout, de délicatess­e. Les personnage­s sont rarement dans la compassion.

Certains membres de la famille sont mieux outillés pour se défendre que d’autres, comme Keven, qui vit une immense peine d’amour et qui a plus de difficulté à parer les attaques à son endroit. Un personnage interprété avec doigté, délicatess­e et vérité, par Vincent Roy.

Brigitte Poupart excelle aussi dans le rôle d’une femme hautaine, qui n’a pas souvent tort.

UN CONSTAT

La réunion de famille tourne au cauchemar. La bonne nouvelle que Jocelyne croyait annoncer est totalement noyée par le délire de ses proches qui ne l’écoutent pas. Tout le monde est concentré sur ses affaires et sur les méchanceté­s qu’ils lancent. Des choses souvent futiles et qui sont, quelque part, sans importance.

Une phrase, prononcée par le personnage de Jeanne, joué par une Sophie Dion touchante, face à toute la méchanceté gratuite déployée, résume bien le ton de la pièce.

Et malgré ces conflits, on sent, étrangemen­t, vers la fin de la pièce, que ces gens s’aiment. Ils sont juste inconscien­ts du mal qu’ils font ou qu’ils peuvent faire. Pour eux, ça ne semble pas plus grave que ça.

Au-delà d’un constat juste et assez véridique et d’une belle galerie de personnage­s, portés par la langue ultra-vivante et directe de Fabien Cloutier, Bonne retraite, Jocelyne tourne un peu en rond, une fois la mécanique installée.

Avec tous les personnage­s présents sur scène, dans un même décor, on assiste à une sorte de combat royal, parfois décousu, entre neuf « belligéran­ts », dont personne ne sort gagnant.

Une scène intéressan­te, où Jocelyne s’adresse au public qui, lui, l’écoute, apporte un effet fort intéressan­t, dans une mise en scène plutôt sobre.

Bonne retraite, Jocelyne propose un portrait plutôt juste et véridique de la société d’aujourd’hui. Et on a la vaste impression que ce n’est pas sur le point de changer.

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PHOTO COURTOISIE STÉPHANE BOURGEOIS Lauren Hartley, Sophie Dion, Vincent Roy et Josée Deschênes donnent vie à des personnage­s qui font partie d’un clan familial sur le point d’imploser.

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