Jour de châtiment pour le meurtrier de la mosquée
Alexandre Bissonnette pourrait être condamné à une peine record de 150 ans de prison
Le tueur de la grande mosquée de Québec recevra-t-il une peine historique qui le garderait à l’ombre jusqu’à sa mort ou pourra-t-il espérer quitter un jour la prison ? Alexandre Bissonnette et la communauté musulmane, à laquelle il a arraché sans pitié six pères de famille, auront la réponse aujourd’hui.
L’attente est terminée. Deux ans après le massacre et après des mois de travail, le juge François Huot de la Cour supérieure rendra ce matin sa décision, qui marque une page de l’histoire judiciaire du pays.
Bissonnette est automatiquement condamné à la prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.
Mais le magistrat a la possibilité de prononcer à l’endroit de l’assassin de 29 ans la sentence la plus sévère jamais donnée au Canada depuis l’abolition de la peine de mort, soit un châtiment de 150 ans de prison.
Des membres de la communauté musulmane estiment d’ailleurs que seule cette peine rendrait vraiment justice ( voir autre texte).
Réunis avec une quarantaine des leurs, six fidèles musulmans ont été abattus froidement, en deux minutes à peine, par Bissonnette qui a fait irruption dans leur lieu de prière de Sainte-foy le soir du 29 janvier 2017.
Leur mort tragique a fait six veuves et 17 orphelins. Bissonnette a plaidé coupable aux six meurtres prémédités et à 40 tentatives de meurtre.
« L’ESPOIR » EN JEU
Pour la poursuite, le juge Huot doit user de son pouvoir discrétionnaire et rendre consécutives les périodes de 25 ans d’inadmissibilité à une libération conditionnelle pour chaque meurtre, comme l’article 745.51 du Code criminel le permet depuis 2011.
« Un juste dû » pour ce « crime haineux », un « carnage » d’une gravité « sans précédent », dont le « châtiment se doit d’être à la hauteur de la réprobation sociale face à de tels comportements ignobles », avait soutenu lors des observations sur la peine en juin l’un des procureurs de la Couronne, Me Thomas Jacques.
Cette avenue « abolit l’espoir », ont pour leur part plaidé les avocats de Bissonnette. Me Charles-olivier Gosselin et Me Jean-claude Gingras ont demandé au juge de déclarer la disposition sur les peines consécutives inconstitutionnelle, donc invalide.
Condamner Bissonnette à une autre peine que celle de la perpétuité, avec une possibilité de libération conditionnelle après 25 ans, constituerait ni plus ni moins « une peine de mort par incarcération », selon eux.
50, 75, 100, 125 ANS ?
Toutefois, le président du tribunal pourrait décider de trancher quelque part entre les deux et ainsi condamner le tueur à une peine de 50, 75, 100 ou 125 ans consécutifs sans possibilité de libération conditionnelle.
Par exemple, si le juge imposait une peine de 50 ans, Bissonnette pourrait espérer revoir la lumière du jour à 77 ans.
« Le juge va devoir rendre un jugement en fonction de la loi, mais aussi en fonction de ce que lui va penser de l’événement, des victimes, de l’accusé, etc. C’est assez difficile de prédire [ce qu’il tranchera] », souligne le criminaliste Jean-pierre Rancourt.
« Le juge Huot comprend la nature et l’impact de sa décision. C’est un énorme travail de recul, de réflexion. C’est sûr que ça va justifier une peine très sévère, pour envoyer un message clair. Mais le très sévère, c’est quoi ? Tout sera dans sa justification, ses motifs », observe l’ex-juge Nicole Gibeault qui, comme nombre de juristes, voit déjà la décision se rendre jusqu’au plus haut tribunal du pays.