« ÇA POURRAIT ENCOURAGER » D’AUTRES TUERIES
La peine « trop clémente » de Bissonnette inquiète la communauté musulmane
Placer à l’ombre pendant au moins quarante ans le tireur de la mosquée de Québec risque de ne pas suffire pour prévenir la perpétration d’un autre massacre, ici ou ailleurs, s’inquiètent des représentants de la communauté musulmane.
Insatisfait de la sentence prononcée contre Alexandre Bissonnette, l’administrateur et ancien président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), Mohamed Labidi, a fait valoir hier que « l’objectif de dissuasion n’est pas atteint », sur les ondes de TVA Nouvelles.
« Ça pourrait encourager d’autres personnes à faire des tueries de masse dans la société », a avancé M. Labidi, en se disant inquiet pour sa communauté de fidèles, mais aussi « pour la société ». La peine retenue est « trop clémente » selon lui.
L’actuel président du CCIQ, Boufeldja Benabdallah, a abondé dans le même sens en entrevue avec Le Journal.
« Par ce jugement, nous aurions espéré que ça donne un bon son de cloche à toute personne qui pourrait avoir des idées mauvaises pour le futur », a-t-il affirmé.
« On trouve que tout compte fait, ce jugement n’a pas été à la hauteur de nos attentes », a-t-il poursuivi, tout en se disant sensible aux principes de « compassion » et de réhabilitation qui existent dans le système de justice canadien.
Touché par la sympathie du public, il craint qu’elle soit affectée si leurs doléances sont mal perçues.
C’est pourquoi il a tenu à souligner que la communauté demande simplement « une justice équitable ».
LA PLUS LOURDE
Vendredi, le juge François Huot a causé la surprise en ne se conformant pas à un article de la loi permettant d’imposer des peines en blocs de 25 ans.
Dans un jugement de 247 pages, il conclut que la prison à vie, sans libération possible avant 40 ans, est la sentence la plus appropriée.
C’est la plus lourde peine infligée au Québec depuis l’abolition de la peine de mort. Cette peine « exemplaire » est rendue « de manière à décourager ceux qui, partageant votre vision sectaire, ambitionneraient de suivre vos traces », avait souligné le président du tribunal à l’accusé.
Mais, pour M. Benabdallah, elle ne permet pas à la communauté musulmane de retrouver la paix.
EN RÉFLEXION
Au lendemain de la condamnation de l’auteur de la tuerie qui a fait six morts cinq blessés, l’heure était surtout au recueillement parmi les fidèles de l a mosquée.
Même s’ils sont nombreux à souhaiter voir la cause être portée en appel, le CCIQ n’a pas encore adopté cette position formellement
Les responsables souhaitent prendre le temps d’analyser en profondeur l e jugement.
« Nous allons de nouveau faire appel à des avocats, à des gens qui connaissent le droit. […] Nous allons être main dans la main avec le procureur et on verra », a expliqué M. Benabdallah.
Son prédécesseur, M. Labidi, pense de son côté que « la justice n’a pas dit son dernier mot. »
« Je souhaiterais que cette cause soit portée en appel », a-t-il déclaré.