Richard Latendresse
La crise vénézuélienne fascine pour plusieurs raisons. Les ÉtatsUnis et le Canada ont joué les indignés les premiers, les Nations Unies sont sur la touche et Caracas peut toujours compter sur des alliés qui ne sont pas insignifiants – les Chinois et les Russes, entre autres – pendant que les Mexicains restent neutres.
Cette semaine a encore montré que le gouvernement de Nicolas Maduro ne mérite aucun respect. Le spectacle de souveraineté offusquée devant le convoi américain d’aide humanitaire à la frontière colombienne inspire le mépris. Les Vénézuéliens manquent de tout – de nourriture, de médicaments, d’articles quotidiens de base – et le despote n’a à coeur que le raffermissement de son autorité.
Cela étant, le Venezuela n’est pas un îlot de césarisme dans un océan d’altruisme et de fraternité. Si l’on se met à chercher des dirigeants illégitimes, des régimes dictatoriaux et des relations bilatérales indignes, on n’en finira pas de rappeler des ambassadeurs.
D’AUSSI GRANDS MÉCHANTS
Washington, Ottawa et les grandes capitales européennes s’agitent avec une soudaine intensité, alors qu’un peu partout des tyrannies tourmentent leurs citoyens sans qu’on ne semble démontrer trop d’indignation.
La Corée du Nord constitue, bien sûr, le meilleur exemple. La dictature paranoïaque des Kim – le grand-père, le père et aujourd’hui Kim Jong-un luimême – martyrise ses habitants depuis plus de 70 ans.
Les sanctions occidentales ont été contournées grâce à l’indulgence de la Chine.
Pyongyang est allé jusqu’à se monter un programme nucléaire militaire, et quelle réponse lui a-t-on ultimement servie ? Une place à la table des grands avec une deuxième rencontre avec le président des États-unis dans moins de trois semaines ! Ce qui prouve doublement la médiocrité des leaders vénézuéliens. Ils auraient dû songer à empiler les armes de destruction massive ; on se serait sûrement montré plus poli à leur égard.
Prenez le petit Burundi, par exemple. Au pouvoir depuis 2005, Pierre Nkurunziza y maintient une dictature brutale où les opposants sont emprisonnés, torturés, assassinés. Le taux de malnutrition chez les moins de cinq ans se situe parmi les plus élevés au monde, la malaria y fait des ravages et deux personnes sur trois vivent dans la pauvreté. La réaction du monde ? Nonchalante.
DE MAL EN PIS
Le cas d’idriss Déby au Tchad est encore plus intéressant. Il s’est installé à la tête de l’état il y a près de trente ans. Amnesty International parle de répression et de violations des droits humains. On sait, grâce aux Panama Papers, que Déby et son entourage ont détourné plus de dix milliards de dollars, alors que L’ONU classe le Tchad 186e sur 189 dans l’échelle du développement humain. Que fait la France ? Elle est, une nouvelle fois, venue au secours du régime au cours des derniers jours, en bombardant des colonnes de rebelles descendant de Libye.
Et il y en a d’autres : Recep Tayyip Erdogan en Turquie qui emprisonne tout ce qu’il trouve comme opposant ; Mohammed ben Salmane en Arabie saoudite qui fait assassiner et démembrer ses critiques même à l’extérieur des frontières de son pays ; Xi Jinping en Chine qui a parsemé la province du Xinjiang de « camps de rééducation » où croupissent jusqu’à deux millions de membres de la minorité musulmane ouïghoure.
On entend quelques condamnations ici et là, mais rien à voir avec le tonnerre de critiques et de punitions qui s’est abattu sur le Venezuela. Les abus commis ailleurs ne justifient certainement pas l’inaction ici. Sauf qu’il faut rester cohérents : tant qu’à déchirer sa chemise, aussi bien la réduire en miettes en pointant aussi les autres bourreaux qui peuplent nos relations internationales.