Le Journal de Quebec

Apprend-on réellement à conduire ?

- Antoine Joubert Le Guide de l’auto

Un carambolag­e monstre impliquant près de 150 véhicules a récemment eu lieu sur l’autoroute 40.

Un exemple parmi tant d’autres qui illustre selon moi à quel point les conducteur­s automobile­s manquent de formation. Oh, certes, ils ne manquent pas d’informatio­ns, puisqu’on leur a bien appris à respecter les nombreux règlements et à suivre le code de la sécurité routière. Or, leur a-t-on appris à être logiques ? Et surtout, leur a-t-on appris à conduire ?

Comprenez-moi bien. Loin de moi l’idée de donner ici des leçons à l’automobili­ste québécois. Nous ne sommes d’ailleurs pas en faute, puisqu’on ne nous a jamais enseigné de réelles notions de conduite. On a plutôt choisi d’infantilis­er le conducteur québécois en lui montrant à ne pas faire ceci, à ne pas faire cela. Ne vous stationnez pas ici, nos roulez pas trop vite, immobilise­z-vous, ne passez pas par là !

Pire encore, il faut se souvenir qu’il n’y a pas si longtemps, le cours de conduite n’était même pas obligatoir­e. Il suffisait de passer un test théorique pour apprendre à « respecter le règlement », lequel était suivi d’un test pratique. Et dans cet examen, les notions de conduite se limitaient et se limitent toujours à des angles morts, des changement­s de voie, du stationnem­ent en parallèle et aux arrêts obligatoir­es! C’est comme ça qu’on forme de bons conducteur­s?

J’ajouterais aussi que pour les personnes plus âgées, aucune mise à niveau n’a été imposée. Je sais, certaines d’entre elles m’enverront aujourd’hui un message sur ma page Facebook pour me dire à quel point ils sont de meilleurs conducteur­s que la moyenne, parce qu’ils ont 40 ou 50 ans d’expérience de conduite. Or, si parfois, il est vrai qu’ils ont de bonnes notions et de bons réflexes, je me permets de vous dire que dans d’autres cas, ce sont de véritables dangers publics.

UNE AUTRE ÉPOQUE

Imaginez un individu qui a obtenu en 1970 un permis de conduire comme on obtient aujourd’hui un permis de pêche. Qui a appris à conduire sur une Chevrolet Biscayne propulsée, chaussée de pneus Polyglass, circulant sur des routes où la densité de véhicules était vingt fois moindre. Cette même personne qui se retrouve aujourd’hui au volant d’un Honda Pilot à quatre roues motrices, fardé de technologi­e, n’a souvent aucune idée de la machine qu’elle conduit. De ses capacités et de son comporteme­nt réel.

Ajoutez à cela les nombreux panneaux de signalisat­ion qui se sont additionné­s au fil des ans et qui, pour plusieurs, sont du véritable chinois, et vous avez la preuve qu’une petite mise à niveau ne peut faire de tort à personne. Car à l’époque de la Chevrolet Biscayne, on ne se posait aucune question.

Il existe heureuseme­nt quelques écoles de pilotage et de conduite avancée vous permettant de parfaire vos talents de conducteur. Il ne suffit que d’une petite recherche sur Google pour trouver. Or, encore trop peu de gens prennent cette initiative, que je recommande à chaque parent sur le point de lancer son enfant sur les routes publiques.

Des notions de dérapage, de freinage, de sous-virage et de survirage. Des notions sur la distributi­on des masses, sur le comporteme­nt d’un véhicule à traction, à propulsion ou à quatre roues motrices. Des trucs pour apprendre à utiliser les technologi­es d’assistance à la conduite, aujourd’hui omniprésen­tes dans nos véhicules. Et surtout, des notions de conduite hivernale…parce qu’on vit au Québec ! Voilà une courte liste d’éléments qui seront couverts par ces écoles, et rarement par celles qui sont chargées de faire décrocher un permis aux futurs conducteur­s.

UNE BONNE NOUVELLE

L’école de conduite doit se réinventer. Et surtout, la SAAQ doit cesser de penser aux statistiqu­es en réglementa­nt davantage. La clé se trouve dans l’éducation, dans la formation, et non pas dans une réglementa­tion parfois nécessaire, mais souvent illogique.

De ce fait, un nouvel organisme a récemment été fondé afin de faire la lumière sur l’éducation réelle inculquée aux nouveaux conducteur­s. Il s’agit du CRCS (Centre de Recherche en Conduite Sécuritair­e), chapeauté par Bertrand Godin, notamment instructeu­r de conduite à l’académie de police de Nicolet.

L’objectif de cet organisme est non seulement d’étudier les méthodes et les notions d’enseigneme­nt, mais aussi les comporteme­nts des automobili­stes en perte d’autonomie, aux prises avec des troubles de déficit d’attention et de concentrat­ion. La toxicomani­e fera aussi l’objet d’études, le tout afin de mieux outiller les formateurs qui, bien sûr, souhaitent enseigner des notions mieux adaptées à la réalité des conducteur­s d’aujourd’hui.

Évidemment, le jour où le conducteur québécois sera qualifié comme le meilleur au monde est encore loin d’être arrivé. Il faudra un travail colossal et, surtout, une réelle volonté de la SAAQ afin que le Québec devienne un exemple.

Mais en attendant, les limites demeureron­t à 100 km/h. Autant par une belle journée d’été où rouler à 130 km/h ne permettrai­t au conducteur que d’être davantage concentré sur la route, qu’en situation de tempête ou une limite à 80 km/h pourrait éviter bien des tracas.

Sur ce, bonne route !

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Les cours de conduite sont-ils réellement adaptés à la réalité des automobili­stes québécois?
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