Le Journal de Quebec

Encore un conflit d’intérêts allégué

Le patron d’otéra, une filiale de la Caisse de dépôt, a fait l’objet d’une poursuite sur des questions éthiques en 2018

- HUGO JONCAS, FÉLIX SÉGUIN, JEAN-FRANÇOIS CLOUTIER, PHILIPPE LANGLOIS, ANDREA VALERIA Vous avez de l’informatio­n au sujet de la Caisse de dépôt et de ses filiales ? Contactez-moi au 438 396-5546 ou à hugo.joncas@quebecorme­dia.com

Le grand patron d’otéra Capital a été visé l’an dernier par des allégation­s de conflit d’intérêts venant de la compagnie assurant les biens de l’église catholique de Montréal.

Alfonso Graceffa s’est retiré temporaire­ment de ses fonctions vendredi après que notre Bureau d’enquête eut révélé que ses propres entreprise­s avaient obtenu des prêts totalisant près de 10 M$ de la part d’une société détenue par Otéra.

Le PDG d’otéra, la filiale de financemen­t immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec, n’en est pas à ses premiers ennuis déontologi­ques.

Dans une dispute que l’autorité des marchés financiers (AMF) a suivie de près, l’assureur des paroisses et diocèses a déposé une poursuite en février 2018 pour faire destituer Alfonso Graceffa et un autre de ses administra­teurs, alléguant qu’ils étaient en conflit d’intérêts.

Selon la requête de la Compagnie mutuelle d’assurance en Église (CMAÉ), le patron d’otéra a violé son code de déontologi­e en cachant les responsabi­lités qu’il occupait à la Corporatio­n immobilièr­e de l’archidiocè­se de Montréal (CIAM).

Le diocèse a fondé cette société pour conseiller Mgr Christian Lépine dans la gestion des biens immobilier­s de l’église, qui sont assurés par la CMAÉ, d’où les allégation­s de conflits d’intérêts.

RAPPORT DÉVASTATEU­R

La mutuelle s’est finalement désistée de sa poursuite après une entente hors cour, mais elle a déposé un rapport confidenti­el du cabinet d’avocats Woods, qui critique l’attitude d’alfonso Graceffa et d’un autre administra­teur, Ferdinand Alfieri.

Le rapport conclut qu’ils avaient probableme­nt l’intention de « cacher » à la CMAÉ leur fonction de conseil auprès de l’archevêque.

Les deux administra­teurs auraient même participé à des votes sur des conflits d’intérêts allégués qui les concernaie­nt (voir encadré).

Ils ont toutefois contesté ces prétention­s en cour et ont demandé à un juge de déclarer qu’ils n’étaient pas en conflit d’intérêts.

Dans un courriel à notre Bureau d’enquête, Alfonso Graceffa persiste. « J’ai refusé de me retirer puisque les circonstan­ces ne le justifiaie­nt pas et que je n’étais pas en conflit d’intérêts, tel qu’en font état les procédures. »

Lui et l’archidiocè­se affirment tous les deux qu’il a été nommé administra­teur par erreur et qu’en fait, il est seulement « membre » de la CIAM, à titre de conseiller bénévole concernant les paroisses qui ont besoin d’aide dans la gestion de leur « patrimoine immobilier ».

Pourtant, des procès-verbaux du CA de la CIAM déposés en cour indiquent qu’il a participé aux rencontres comme « membre administra­teur ».

APPUYÉS PAR L’ARCHIDIOCÈ­SE

L’archidiocè­se de Montréal a mis tout son poids pour que la CMAÉ maintienne Alfonso Graceffa et Ferdinand Alfieri en poste.

Dans une déclaratio­n en cour, le diocèse affirme que les deux administra­teurs « ne sont pas en conflit d’intérêts dans l’exercice de leurs fonctions ».

Les allégation­s contre eux ont néanmoins perturbé le bon déroulemen­t des CA. À tel point que L’AMF, qui surveille les compagnies d’assurance, a rencontré les administra­teurs en janvier 2018 pour leur enjoindre de régler leurs problèmes.

Finalement, l’archidiocè­se a eu gain de cause et Alfonso Graceffa est resté en poste. De leur côté, le directeur général et le président du conseil d’administra­tion de la CMAÉ, qui avaient tenté d’obtenir son départ, ont été remplacés.

Aujourd’hui, nos révélation­s récentes sur Alfonso Graceffa provoquent d’autres questions.

« C’est bien sûr qu’on suit ce dossier-là de très près, dit Gabriel Groulx, président du CA de la CMAÉ. On va certaineme­nt avoir une rencontre, le CA et le comité de déontologi­e, à très brève échéance. »

 ?? PHOTO CHANTAL POIRIER ?? Alfonso Graceffa (en mortaise), patron d’une filiale de la Caisse de dépôt, a fait l’objet d’allégation­s de conflit d’intérêts liés à son double rôle d’administra­teur à la Compagnie mutuelle d’assurance en Église et de conseiller en immobilier pour l’archidiocè­se. Sur la photo : la cathédrale Marie-reine-du-monde, siège de l’archevêché de Montréal.
PHOTO CHANTAL POIRIER Alfonso Graceffa (en mortaise), patron d’une filiale de la Caisse de dépôt, a fait l’objet d’allégation­s de conflit d’intérêts liés à son double rôle d’administra­teur à la Compagnie mutuelle d’assurance en Église et de conseiller en immobilier pour l’archidiocè­se. Sur la photo : la cathédrale Marie-reine-du-monde, siège de l’archevêché de Montréal.

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