Le Journal de Quebec

Un procès politique

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

C’est aujourd’hui, à Madrid, que s’ouvre le procès de 12 dirigeants indépendan­tistes catalans pour leur rôle dans l’organisati­on du référendum du 1er octobre 2017 et leur vaine déclaratio­n de souveraine­té du 27 octobre.

Le Journal m’avait envoyé couvrir l’affaire.

On n’oubliera pas de sitôt ces policiers matraquant et traînant au sol des gens qui ne voulaient que voter pacifiquem­ent.

FAIRE PEUR

L’état espagnol requiert des peines de 7 à 25 ans de prison pour rébellion, sédition et malversati­on.

Le grand absent sera Carles Puigdemont, exilé en Belgique, chef du gouverneme­nt catalan au moment des faits.

En droit espagnol, pour déclarer quelqu’un coupable de « rébellion », il faut prouver l’existence d’un « soulèvemen­t violent ».

« Violent » ? La seule violence fut celle des policiers faisant irruption dans les lieux de votation.

Les militaires d’extrême droite qui, le 23 février 1981, tentèrent un coup d’état et furent effectivem­ent condamnés pour rébellion avaient, eux, carrément tiré des coups de feu dans l’enceinte du Parlement.

La vraie faute des indépendan­tistes catalans fut de se lancer dans une démarche très improvisée.

Quand j’interrogea­is des gens làbas et que je comparais au degré de préparatio­n du référendum québécois de 1995, je me grattais la tête.

Cela dit, de grâce, n’ayons pas la naïveté de croire que ces accusés seront jugés avec les garanties d’impartiali­té qu’un État de droit offre habituelle­ment.

Neuf des accusés sont en détention provisoire depuis neuf mois. Certains ont fait une grève de la faim pour protester contre la lenteur et l’iniquité des procédures.

Il crève les yeux que le rouleau compresseu­r judiciaire veut, par des peines exemplaire­s, faire peur.

Est-ce que cela calmera ou durcira le mouvement indépendan­tiste ? Nul ne le sait, mais si des élections avaient lieu en Catalogne aujourd’hui, les indépendan­tistes seraient encore majoritair­es.

Le plus bel indice de ce que pensent les juristes des autres pays de la justice espagnole fut le refus sec des tribunaux belges et allemands d’accéder à la demande de l’espagne d’extrader Puigdemont sur la base d’accusation­s de rébellion et sédition.

La seule violence fut celle des policiers faisant irruption dans les lieux de votation.

CUL-DE-SAC

Un autre facteur qui complexifi­e l’affaire est qu’entre le dépôt des accusation­s et aujourd’hui, la gauche de Pedro Sánchez a chassé la droite de Mariano Rajoy du pouvoir à Madrid.

Or, les socialiste­s ont eu besoin de l’appui des députés indépendan­tistes catalans pour dégager une courte majorité parlementa­ire et se hisser au pouvoir.

Ils ont encore besoin d’eux pour faire adopter le budget. Sans budget, le gouverneme­nt tombe et on repart en campagne électorale à travers toute l’espagne.

Sánchez avait promis l’ouverture d’un dialogue avec les indépendan­tistes catalans.

Chacun reste campé sur sa position : le gouverneme­nt espagnol propose un référendum sur plus d’autonomie alors que le gouverneme­nt catalan veut un référendum sur la souveraine­té.

Aussi invraisemb­lable que cela puisse paraître, il y a maintenant des prisonnier­s politiques dans une des nations phares de l’union européenne et de l’occident.

L’espagne, la patrie de mes grands-parents, se déshonore.

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Carles Puigdemont, exilé en Belgique
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Pedro Sánchez, chef du gouverneme­nt espagnol

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