Le Journal de Quebec

Lamontagne mérite-t-il une fatwa ?

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Une intense séance de rafting : voilà à quoi ressemble le début de carrière ministérie­lle d’andré Lamontagne.

En substance, le ministre nous a dit, à propos de l’affaire du lanceur d’alerte Louis Robert : Oui, je l’ai congédié personnell­ement. Non, ce fut le geste du sous-ministre nommé par les libéraux. Mais au fait, vous savez qu’il y avait peutêtre d’autres raisons à ce remercieme­nt ? Ça vient de mon intuition… Il y aura une enquête de la protectric­e du citoyen sur cette affaire. Je m’excuse.

Nulle surprise qu’après pareil cafouillag­e, le ministre se soit retrouvé « sous surveillan­ce » de la part du cabinet du premier ministre. Les opposition­s, quant à elles, ont senti le sang. Le mouvement environnem­ental, déjà méfiant du gouverneme­nt Legault, craint le pire.

CONDAMNATI­ON

Ainsi, lorsqu’on apprit que le même ministre Lamontagne avait qualifié d’« ayatollahs » certains des fonctionna­ires du ministère de l’environnem­ent, devant un parterre d’agriculteu­rs, c’en était trop.

Plusieurs ont cru bon d’émettre instamment une sorte de « fatwa » contre lui. (Consultati­on juridique en droit islamique, une fatwa débouche la plupart du temps sur une condamnati­on sévère...)

Quand l’affaire Louis Robert éclata, un des textes les plus sévères fut écrit par Roméo Bouchard, entre autres cofondateu­r de l’union paysanne. « Je suis révolté d’apprendre le congédieme­nt du meilleur agronome de votre ministère ! »

J’ai interrogé Bouchard, hier, à la radio Qub, au sujet des déclaratio­ns du ministre sur les « ayatollahs ». Or, cette fois, il a tenu à défendre Lamontagne – comme il l’avait fait dans ses réseaux sociaux plus tôt.

Plusieurs « ont totalement déformé les propos du ministre. [...] Les réactions d’écolos et de politicien­s entendues ce matin sont totalement à côté de la track », pestait Bouchard.

Il a tenu à rappeler que Lamontagne parlait essentiell­ement des normes sanitaires que les ministères de l’environnem­ent et de l’agricultur­e appliquent uniforméme­nt, peu importe s’il s’agit de Maple Leaf ou de petits « producteur­s-transforma­teurs-vendeurs ». Les risques dans l’un et l’autre cas sont totalement différents. « On a souvent l’impression que le pire danger, pour les ayatollahs du ministère de l’environnem­ent à propos de l’agricultur­e, c’est la Nature elle-même : ils préfèrent le béton ! » se plaint Bouchard.

Du reste, que le ministre de l’agricultur­e se rende au congrès de l’union paysanne, c’est une première. Et qu’il vienne dire qu’il faut prendre en compte la réalité des petits producteur­s est plutôt rafraîchis­sant. Vous vous rappelez du délirant rappel de fromages fins québécois par le MAPAQ lors de la crise de la listériose en 2008 ?

Notre agricultur­e a sans doute profité de la mise en place de grands systèmes, et même du monopole de L’UPA. Depuis le rapport Pronovost, il y a 10 ans, on sait que certaines réformes sont urgentes, mais rien ne se fait.

Si, comme on peut le croire, les propos du ministre s’inscrivaie­nt dans cette réflexion, il ne mériterait aucunement une fatwa. Bien au contraire.

« Les réactions d’écolos et de politicien­s [...] sont totalement à côté de la track », a pesté Roméo Bouchard.

 ??  ??
 ??  ?? André Lamontagne, ministre de l’agricultur­e
André Lamontagne, ministre de l’agricultur­e

Newspapers in French

Newspapers from Canada