Le Journal de Quebec

Je dois donner raison à Sophie

- guy.fournier @quebecorme­dia.com

Je fais amende honorable et donne raison à ma collègue Sophie Durocher qui s’en prend souvent aux Français qu’elle accuse de trahir notre langue en la criblant de mots anglais.

À bien y réfléchir, j’ai eu tort de m’inscrire en faux contre l’une de ses dernières chroniques sur le sujet. Je viens d’ailleurs de lui trouver un allié et pas n’importe lequel.

Il s’agit d’andré Vallini, juge à la Haute Cour de justice de France, sénateur et ancien secrétaire d’état chargé du Développem­ent et de la Francophon­ie. Hier, il a publié dans le quotidien Le Figaro un article qui ressemble fort à quelques-unes des chroniques de Sophie sur la langue.

Le sénateur s’en prend aux innombrabl­es mots anglais qui polluent maintenant la langue française dans son pays. Il cite, par exemple, les centres commerciau­x qui sont devenus des « outlets », les magasins Carrefour qui sont devenus des « Carrefour markets » et des « Carrefour city ». Il dénonce les centaines de slogans publicitai­res en anglais, comme Born to be a super papa du parfumeur Marionnaud.

AIR FRANCE ET CIE

Même les sociétés publiques comme la SNCF ou Air France anglicisen­t tout. Dans les gares ferroviair­es de la SNCF, on a baptisé les nouveaux espaces de bureau « Work and Station ». Air France, une société d’état dont le nouveau slogan est France is in the air, ne communique plus qu’en anglais avec ses clients. Même Air Canada n’oserait pas aller si loin.

Les médias ne sont pas moins coupables. France Télévision­s a lancé l’émission Actuality, I-télé, qui avait déjà sa « newsroom », est devenue Cnews. Quant au Figaro et son magazine Madame, que le sénateur Vallini n’ose pas citer, n’ont-ils pas leurs rubriques « Talk », « Partner »« News Madame », « Buzz Bubble Glam », « Gimmick Food », « Note Book », leur « cover story » et leur « city guide »?

Le sénateur Vallini dénonce les grandes entreprise­s et les écoles d’enseigneme­nt supérieur où le français cède de plus en plus de place à l’anglais. Chez Psa-peugeot, le plan « Push to pass » a succédé à « Back to the race ». À Saclay, on vient d’inaugurer un « Labfactory », nouveau joyau de la « French Tech ». Les écoles de commerce sont désormais des « business schools » et les écoles de génie des « engineerin­g schools ».

PAS DE LOI 101, MAIS…

La France n’a pas de loi 101, mais elle a son équivalent : la loi de 1994 qui rappelle dans son article 1 « que la langue française est un élément fondamenta­l de la personnali­té et du patrimoine de la France ».

J’ai écrit que notre langue est plus menacée par les anglicisme­s dont nous l’émaillons que par les mots anglais qu’affectionn­e une certaine élite française. C’est de moins en moins vrai.

L’emploi de phrases et de mots anglais est devenu en France une épidémie virulente que propagent au quotidien tous les grands médias. À ce rythme, il faudra peu de temps avant que cette épidémie n’affecte irrémédiab­lement la langue.

La langue véhiculée par l’élite et surtout par les médias devient vite celle qu’on parle partout. À preuve, les sacres et les jurons de nos téléromans et de nos humoristes qui sont devenus courants dans le langage de tous les Québécois, jeunes ou vieux, hommes ou femmes. Il n’y a pas si longtemps, ces gros mots se retrouvaie­nt uniquement dans la bouche des gens grossiers ou mal élevés.

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