Le Journal de Quebec

Elle survit au suicide de ses deux parents

Sa mère et son père se sont enlevé la vie à neuf ans d’intervalle

- CAROLINE LEPAGE

DRUMMONDVI­LLE | Une femme endeuillée par le suicide de ses deux parents s’accroche à la vie parce qu’elle est convaincue que cette dernière mérite, malgré tout, d’être vécue jusqu’au bout.

Quand sa mère, Carole Ménard, a été retrouvée morte dans son logement de Drummondvi­lle, en janvier 2010, après une surdose de médicament­s, Marie-Josée Ménard a encaissé le choc.

Mais elle ne s’attendait pas à ce que son père, Steve Parent, s’enlève la vie à son tour, neuf ans plus tard.

« Ce n’est pas facile de vivre avec ce poids sur les épaules, souffle la jeune femme de 32 ans en entrevue. Ça demande une force incroyable. »

Malgré ces drames qui l’ébranlent, Carole Ménard n’a jamais pensé mettre fin à ses jours. Pour elle, le suicide n’est pas une option.

« On vient au monde pour vivre et on est censé mourir naturellem­ent », croit-elle.

LONGUE DÉPRESSION

Environ cinq ans avant son décès, la mère de Marie-josée Ménard avait sombré dans une longue dépression durant laquelle elle avait commis plusieurs tentatives de suicide.

Marie-josée et d’autres proches de Carole Ménard paniquaien­t chaque fois qu’ils la trouvaient inconscien­te.

Ils ont essayé de l’aider de maintes façons, en alertant les policiers, en l’amenant en psychiatri­e ou encore en l’invitant à suivre une thérapie, mais en vain. Ils n’ont jamais réussi à soulager la quinquagén­aire de son mal de vivre. Un mal qui l’a poussée à commettre l’irréparabl­e. « Sans méchanceté, je me suis sentie libérée pour elle et pour moi, car vivre dans la crainte, pendant des années, c’est dur à supporter », partage Marie-josée Ménard.

LIEN PÈRE-FILLE

Après ce suicide, Marie-josée Ménard s’est rapprochée de son père, qu’elle a connu seulement vers l’âge de 7 ans.

La jeune Marie-josée ne l’avait pas rencontré avant parce que sa mère avait décidé de tomber enceinte et de garder l’enfant sans obtenir son consenteme­nt.

Plus tard, il est réapparu et a voulu connaître sa fille.

La distance rendait toutefois leur relation difficile, puisqu’il habitait la Côte-nord et qu’elle habitait Drummondvi­lle.

Mais pour faciliter les contacts, M. Parent a acheté une roulotte pour faire du camping dans la région de Drummondvi­lle afin de passer ses vacances avec elle.

« C’était facile de jaser avec lui », se souvient l’ancienne coiffeuse, aujourd’hui en arrêt de travail.

En 2014, Marie-josée Ménard est même allée rejoindre son père à Fermont, sur la Côte-nord, à plus de 1000 km de Drummondvi­lle.

Leur cohabitati­on, qui a duré environ deux ans, lui a permis de mieux connaître cet homme franc et généreux, mais impatient à ses heures.

« Quand j’ai vécu avec lui, il s’est adouci », assure Marie-josée Ménard.

Après son retour dans sa ville d’origine, son père, soudeur de métier, l’a suivie dès qu’il a pris sa retraite. La trentenair­e était comblée d’avoir un parent sur qui compter.

« On ne passait pas une semaine sans se texter ou s’appeler », indique-t-elle.

UNE NUIT HORRIBLE

Sans se douter de rien, il y a quelques mois, Marie-josée Ménard a partagé son dernier réveillon de Noël et son dernier 31 décembre avec son père. « Tout allait bien », raconte celle qui était loin de s’imaginer la tragédie qui l’attendait au détour.

Dans la nuit du 4 janvier 2019, un voisin de M. Parent a contacté les policiers après avoir entendu le bruit d’une arme à feu. Une fois sur place, ces derniers ont constaté son décès.

Marie-josée est devenue hystérique en apprenant la mauvaise nouvelle. « Tous les voisins m’ont entendue crier, se souvient-elle. J’ai perdu le contrôle. »

DES EFFORTS

Depuis cette mort tragique, MarieJosée Ménard ne vit pas une journée sans penser à lui et fondre en larmes.

Son départ brutal lui laisse un immense sentiment de vide.

« Mon père était la moitié de moimême », déclare-t-elle avec émotion.

Malgré la douleur vive, Marie-josée Ménard refuse de s’apitoyer sur son sort. Chaque jour, elle s’efforce d’être heureuse, comme son père l’aurait souhaité.

Elle s’oblige à sortir de chez elle, à socialiser et à assister à des événements.

Elle consulte régulièrem­ent son médecin, une psychologu­e et même un psychiatre. Elle songe également à adhérer à un groupe de personnes endeuillée­s à cause d’un suicide.

« Quand t’as un cancer, tu te bats. C’est ce que j’ai toujours fait », plaide-t-elle.

UNE SURVIVANTE

En dépit du suicide de ses deux parents, Marie-josée Ménard assure qu’elle n’entretient aucune idée suicidaire.

Elle est toutefois consciente que le deuil de son père sera plus long que celui de sa mère, car elle n’aurait jamais imaginé qu’il commettrai­t – lui aussi – l’irréparabl­e.

Par ailleurs, Marie-josée déplore le manque de ressources pour les gens aux prises avec une santé mentale fragile.

Elle regrette surtout la difficulté que peuvent éprouver certaines personnes en détresse à lever le drapeau blanc et admettre qu’elles ne peuvent pas s’en sortir seules.

« Ce n’est pas une faiblesse de dire qu’on est en dépression et d’en parler à un profession­nel, insiste Marie-josée. C’est ce que j’ai toujours fait. Je suis l’exemple qu’on peut en arracher (…), mais je n’ai jamais tenté de mettre fin à mes jours. »

« CE N’EST PAS UNE FAIBLESSE DE DIRE QU’ON EST EN DÉPRESSION ET D’EN PARLER À UN PROFESSION­NEL. »

 ??  ??
 ?? PHOTO CAROLINE LEPAGE ?? Marie-josée Ménard croit que le suicide n’est jamais une option, peu importe ce que l’on vit.
PHOTO CAROLINE LEPAGE Marie-josée Ménard croit que le suicide n’est jamais une option, peu importe ce que l’on vit.
 ?? PHOTO COURTOISIE ?? Marie-josée Ménard s’était beaucoup rapprochée de son père, Steve Parent, avant qu’il s’enlève la vie.
PHOTO COURTOISIE Marie-josée Ménard s’était beaucoup rapprochée de son père, Steve Parent, avant qu’il s’enlève la vie.

Newspapers in French

Newspapers from Canada