Le Journal de Quebec

Fausses promesses pour la 138 ?

Des communauté­s enclavées dans la région de la Côte-nord ne sont accessible­s que par bateau ou par avion

- JEAN BALTHAZARD

Les élus de la Côte-nord et les chefs innus prévoient s’unir cet automne afin de faire pression sur la CAQ qui leur a promis un échéancier « ambitieux » pour le prolongeme­nt de la route 138. En ce moment, 400 km sont encore à faire, mais rien ne bouge, dénoncent-ils.

« Cinq, six ministres ont débarqué ici depuis que la CAQ a été élue. C’est tout à [leur] honneur, mais rien de concret n’a été annoncé encore », regrette le maire de Sept-îles, Réjean Porlier, qui croit que le gouverneme­nt Legault se montre très favorable au projet.

J’ai récemment passé deux semaines sur la Côte-nord. J’ai parlé avec une vingtaine de personnes sur place et j’ai pu constater à quel point, dans chaque ville et dans chaque village, les résidents réclament ardemment le prolongeme­nt de la route 138. De nombreuses communauté­s sont enclavées, et les seules options pour se rendre chez elles ou en sortir sont le bateau ou l’avion.

La 138 s’arrête présenteme­nt à Kegaska, une communauté de moins de 200 habitants située à plus de 400 km à l’est de SeptÎles. Le prolongeme­nt du chemin permettrai­t de relier Blanc-sablon et plusieurs villages au reste du Québec.

ENJEU ESSENTIEL

Le rallongeme­nt de la 138 permettrai­t aussi de freiner l’exode des population­s, surtout des jeunes, d’inciter des entreprise­s à s’y installer et d’augmenter le tourisme, d’après plusieurs résidents et maires de la Côte-nord.

« Nous, on ne demande pas le troisième lien et tout le reste qui sort à coup de milliards, on demande l’essentiel », lance M. Porlier.

« Je ne sais pas si les gens comprennen­t comment ça peut faire mal de s’asseoir et de regarder ta communauté mourir », déplore pour sa part Randy Jones, maire de Gros-mécatina depuis 15 ans, pour qui le projet est vital.

Québec a adopté à l’unanimité une motion en mai afin de « fournir rapidement un échéancier ambitieux » pour terminer la route 138 « dans un délai raisonnabl­e ».

1,5 MILLIARD $

Pour l’instant, deux tronçons qui totalisent environ 80 km sont en phase de planificat­ion, mais il n’y a encore aucun plan concret pour les 400 km restants. Le ministère des Transports n’a pas répondu à nos demandes d’informatio­n.

Le prolongeme­nt de la 138 est estimé à 1,5 G$. Dépenser une telle somme pour 90 000 personnes, ça paraît moins logique que d’entretenir des routes dans des régions vingt fois plus peuplées.

« Peut-être qu’économique­ment, ce n’est pas rentable, mais socialemen­t, ça pourrait être une bonne chose de leur offrir

ADAPTATION DES POPULATION­S

une meilleure desserte pour leur ouvrir des opportunit­és », mentionne le directeur de l’école supérieure d’aménagemen­t du territoire et de développem­ent régional à l’université Laval, Jean Dubé.

Avec le prolongeme­nt de la route 138, les communauté­s espèrent bien sûr augmenter le nombre de visiteurs sur la Côte-nord. Mais il faut attendre avant d’affirmer que le tourisme va sauver économique­ment la région, avance le professeur au départemen­t d’études urbaines et touristiqu­es de L’UQAM, Dominic Lapointe. Il propose donc d’investir dans la qualité de vie des résidents. « Comme ça, si les touristes tardent à venir, au moins la population locale va pouvoir en profiter ».

Sauf que pour certaines communauté­s, ça pourrait demander de l’adaptation.

« C’est sûr que ça va créer un choc culturel », croit de son côté le chef du conseil de bande d’unamen Shipu, Bryan Mark.

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