Le Journal de Quebec

Les artistes et les beaux malaises

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Vendredi, je vous demandais si vous ressentiez un malaise à ce qu’éric Salvail fasse la fête dans un bar de karaoké de Montréal. Drôle de hasard, quelques heures plus tard, Le Journal parlait d’un malaise autour de la participat­ion de Luck Mervil à un spectacle hommage à Boule noire à Saint-jérôme. Hier, on apprenait que Kevin Spacey avait créé un malaise en récitant un poème à Rome, en Italie.

Coudonc ! Va-t-on apprendre que Gilbert Rozon a créé un malaise en dansant la macarena à Longueuil en fin de semaine ?

LE TRIBUNAL POPULAIRE

En mai 2018, Luck Mervil avait plaidé coupable à une accusation d’exploitati­on sexuelle sur une mineure de 17 ans. Il a été condamné à une peine de six mois à purger à la maison. Or samedi, la veuve de Boule Noire l’a choisi (après le désistemen­t de plusieurs artistes) pour un spectacle hommage présenté à Saint-jérôme. Elle a affirmé qu’il était un ami de Georges Thurston.

Ce que j’en pense ? À partir du moment où Mervil a payé sa dette à la société (même si on trouve que c’était une sentence bonbon), rien ne devrait l’empêcher d’exercer son métier. Mais en même temps, rien n’empêche le public de manifester son désaccord en n’achetant pas de billet pour ses spectacles. (Sur ces questions, chacun a son propre seuil de tolérance : on peut par exemple pardonner à un harceleur ou un exhibition­niste, mais pas à un pédophile ou un meurtrier).

En passant, vous rappelez-vous la vidéo pleine d’arrogance de Luck Mervil quand il a reçu sa sentence ? Il promettait qu’il expliquera­it « ce qu’il avait pensé de la façon d’agir des médias et de leur manque de rigueur ». On attend toujours ses explicatio­ns…

Dans le dossier de Kevin Spacey, c’est bien différent. Le comédien n’a pas été trouvé coupable (pour l’instant) de quoi que ce soit. Il a fait sa première apparition publique en deux ans, à Rome, en lisant un texte d’un poète italien. Vous seriez-vous pointé à cette performanc­e ? L’auriez-vous applaudi ? Vous seriez-vous pris en selfie avec lui, comme l’ont fait plusieurs personnes qui ont fait circuler les photos sur Twitter ?

Spacey est pourtant innocent jusqu’à preuve du contraire… Vous savez la poursuite contre lui pour attentat à la pudeur et agression sexuelle au Massachuse­tts ? Elle a été abandonnée il y a une quinzaine de jours. Bien sûr, il reste d’autres enquêtes aux États-unis et en Angleterre, mais il n’a pas encore subi de procès juste et équitable… alors faut-il le traiter en paria d’ici là ?

Que ce soit le cas Salvail, le cas Mervil, le cas Spacey ou le dossier Rozon, il me semble que la ligne est la même…

1-Tant qu’une personne n’a pas été trouvée coupable devant un tribunal, elle a le droit de circuler librement.

2-Une fois qu’une personne a purgé sa peine, elle a le droit de réintégrer la société.

J’AI LE « DOUA »

Rien ne nous autorise à faire des procès sur la place publique

On a le droit de ressentir un malaise face aux comporteme­nts allégués ou prouvés d’un individu X, mais cela ne signifie pas qu’on doit brimer ses droits.

Et surtout, rien ne nous autorise à faire des procès sur la place publique : les procès, on laisse ça aux cours de justice.

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