Le Journal de Quebec

50 fois moins d’inspection­s pour les algues bleu-vert

Seulement 12 lacs ont été inspectés en 2018

- ANNABELLE BLAIS

Alors que plusieurs chercheurs s’inquiètent pour la santé des lacs du Québec, le ministère de l’environnem­ent a inspecté seulement 12 lacs en 2018 pour vérifier la présence d’algues bleuvert, a appris notre Bureau d’enquête.

Sur les 12 plans d’eau visités, 10 étaient affectés par une fleur d’eau de cyanobacté­ries (algues bleu-vert). En comparaiso­n, en 2007-2008, au plus fort de la crise, 578 inspection­s terrain du Centre de contrôle environnem­ental du Québec ont révélé la présence de fleur d’eau de cyanobacté­ries dans 167 lacs.

Les inspection­s ayant diminué, seulement quatre plans d’eau ont été identifiés comme ayant des problèmes d’algues bleu-vert en 2017 et huit en 2016.

AUCUN SENS

« Ça n’a aucun bon sens. Ce n’est pas un portrait de la réalité, loin de là. Ce n’est pas ce qu’on voit sur le terrain », affirme Barry Husk, président de Blueleaf qui se spécialise dans la recherche et l’analyse de contaminan­ts en milieu aquatique.

Depuis 2008, le gouverneme­nt a effectivem­ent modifié cinq fois ses niveaux d’interventi­on, réduisant ainsi sa présence sur le terrain.

« Ce qu’ils font [pour les algues bleu vert] est vraiment le minimum », déplore Sébastien Sauvé, professeur en chimie environnem­entale à l’université de Montréal qui mène un des plus grands projets de recherche sur les cyanobacté­ries au monde.

« Ils intervienn­ent le moins possible. Ils n’ont plus les budgets », poursuit-il.

DANS DE RARES CAS

Dorénavant, un lac est inspecté seulement si un citoyen fait un signalemen­t et que le plan d’eau est qualifié de « sensible », par exemple s’il est une source d’approvisio­nnement en eau potable, s’il fait partie d’une entente transfront­alière ou s’il présente un risque pour la santé. « Les citoyens n’appellent plus. Ils se disent “mon lac est affecté, j’ai appelé l’an dernier, il ne s’est rien passé, pourquoi je rappellera­is ?” », illustre M. Husk.

Comme le révélait notre dossier du week-end, quelque 200 lacs se meurent en raison des activités de l’homme.

Un des symptômes de ce phénomène est justement la proliférat­ion d’algues bleu-vert.

Plutôt que de miser sur les inspection­s, le ministère dit maintenant se concentrer sur « l’origine du problème » et « consacrer ses ressources davantage au contrôle des sources de pollution en phosphore plutôt qu’à la documentat­ion, bien connue, du phénomène des algues bleu-vert », explique la porte-parole Catherine Giguère.

En 2008, le gouverneme­nt libéral avait annoncé un plan d’interventi­on sur les algues bleu-vert et des investisse­ments de 200 millions $.

« Mais si on ne fait aucun suivi, comment voulez-vous qu’on sache ce qui a fonctionné ? » déplore M. Husk.

« LES CITOYENS N’APPELLENT PLUS. ILS SE DISENT : “MON LAC EST AFFECTÉ, J’AI APPELÉ L’AN DERNIER, IL NE S’EST RIEN PASSÉ, POURQUOI JE RAPPELLERA­IS ?” » – Barry Husk, président de Blueleaf

 ?? PHOTO COURTOISIE BARRY HUSK ?? Le Petit lac Saint-françois, en Estrie, est le pire lac du Québec en raison de l’agricultur­e intensive. Résultat : les algues bleu-vert, qui se nourrissen­t de phosphore, ont proliféré. Une situation que dénonce Barry Husk, président de Blueleaf ( en mortaise).
PHOTO COURTOISIE BARRY HUSK Le Petit lac Saint-françois, en Estrie, est le pire lac du Québec en raison de l’agricultur­e intensive. Résultat : les algues bleu-vert, qui se nourrissen­t de phosphore, ont proliféré. Une situation que dénonce Barry Husk, président de Blueleaf ( en mortaise).
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