Le chaos dans les salaires des élus
maire de Varennes gagne plus que le maire de Québec avec sa population de 21 500 habitants
Pourquoi le maire de Varennes gagne-t-il plus que le maire de Québec ? Comment se fait-il qu’un autre n’ait pas touché un sou depuis 14 ans ? Un palmarès inédit du salaire des élus municipaux montre de grandes différences d’un coin à l’autre de la province.
Notre Bureau d’enquête a compilé la rémunération complète de près de 7000 maires et conseillers de quelque 1032 municipalités, une première que nous vous proposons dans un cahier spécial de 24 pages dans cette édition.
Il est ainsi possible de connaître facilement les salaires des élus de sa ville pour l’année 2018, mais aussi de les comparer à d’autres municipalités.
L’analyse de ces données fait état de disparités étonnantes.
Ainsi, en 2018, sept maires ont touché un salaire plus élevé que celui du maire de Québec, Régis Lebeaume, dont Martin Damphousse à Varennes, une ville de 21 500 habitants située en banlieue de Montréal, et Chantal Deschamps à Repentigny ( voir tableau ci-dessus).
Aussi, sept élus municipaux ont gagné plus de 175 000 $ l’an dernier. À titre comparatif, un ministre du gouvernement québécois touchait un peu moins que cette somme, sans l’allocation de dépenses, durant la même période.
À l’inverse, d’autres maires ou conseillers, même s’ils travaillent à temps partiel, ont un salaire minime. En effet, en 2018, plus de 2600 d’entre eux, dont une douzaine de maires, ont reçu moins de 5000 $ pour gérer leur municipalité.
TOUCHER D’AUTRES MONTANTS
Rappelons qu’au-delà du simple salaire versé par une ville, des élus peuvent toucher d’autres montants pour leur participation à des organismes, comme des sociétés de transport ou des municipalités régionales de comté (MRC).
Depuis 2018, les conseils municipaux peuvent d’ailleurs décider eux-mêmes de leur rémunération ( voir autres textes en pages 4-5).
Avec la disparition progressive des médias locaux au Québec, il peut être difficile d’avoir accès à l’information et de comprendre la rémunération des élus locaux.
Bien que les villes soient maintenant obligées d’afficher les salaires cumulatifs des élus sur leur site web, il est parfois ardu d’y dénicher les données, quand elles ne sont pas carrément absentes.
HAUSSES IMPORTANTES
L’union des municipalités du Québec (UMQ) admet qu’il y a place à « décortiquer et expliquer » davantage les salaires. D’autant plus que dans les derniers mois, plusieurs maires ont fait la manchette des journaux en raison de la hausse de leur rémunération.
« Est-ce qu’il y a des endroits où les gens sont sous-payés ? Oui. Est-ce qu’il y a des endroits où les gens ont exagéré? Peut-être. Assurément, dit le maire de Drummondville et président de L’UMQ, Alexandre Cusson. S’il y a quelques cas exagérés, pour la très grande majorité, les citoyens du Québec en ont pour leur argent. Les élus municipaux travaillent très fort ».
Tous les élus contactés par Le Journal ont assuré travailler au moins 50 heures par semaine et ont affirmé que les élus municipaux étaient généralement sous-payés.
SALAIRE « RIDICULEMENT BAS »
« Franchement, je trouve que c’est ridiculement bas comme salaire. Pour moi, les élus municipaux ont une charge de travail considérable, et la pression est énorme », a notamment témoigné le maire de Saint-bruno-de-montarville Martin Murray, qui a touché 95 564 $ en 2018.
« Quand ça va bien, ce n’est pas nécessairement le maire. Quand ça va mal, c’est le maire. […] J’ai encore reçu un courriel de bêtises hier. […] Le maire a beaucoup de responsabilités, mais en fin de compte, il n’a pas nécessairement beaucoup de pouvoirs », illustre-t-il.
Professeur en management public à L’ENAP, Étienne Charbonneau abonde dans le même sens.
« Il y a des responsabilités importantes au municipal. Il y a beaucoup de contrats donnés à l’externe à gérer. On veut des élus à l’oeil vif et qui ont un bon salaire pour contrôler tout ça. »
— Avec la collaboration de Stéphanie Martin