Le Journal de Quebec

L’autobus est en marche, pas de retour en arrière

Un ex-ingénieur Bombardier planchait depuis plusieurs mois sur cette idée d’un autobus électrique

- SYLVIE LEMIEUX

Choisir le bon moment pour se lancer en affaires, c’est souvent ce qui fait la différence entre le succès et l’échec. Pour Nicolas Letendre, ce moment ne pouvait être mieux choisi quand il a fondé Letenda, un fabricant d’autobus à propulsion électrique, en 2016.

Il avait alors 40 ans et pouvait s’appuyer sur une solide expérience de travail comme ingénieur mécanique chez Bombardier aéronautiq­ue pour démarrer ce projet sur lequel il planchait depuis plusieurs mois. « J’étais prêt ! », dit-il. Il savait aussi que la demande pour son produit était en train d’exploser.

« À partir de 2025, il n’y aura plus de subvention­s gouverneme­ntales pour l’achat d’autobus au diesel. Les sociétés de transport seront obligées d’acheter des véhicules à zéro émission. » Pour Letenda, c’était maintenant ou jamais.

UNE VISION CLAIRE

Nicolas Letendre a monté son projet avec Jonathan Beaulieu, lui aussi un ex-ingénieur chez Bombardier, qui est aujourd’hui directeur des opérations au sein de la PME de Longueuil.

Une recherche sur le marché des autobus leur avait permis de constater que, malgré l’intérêt des villes et des sociétés de transport pour des véhicules verts, l’offre demeurait limitée. De là leur idée de créer une nouvelle génération d’autobus urbains, en aluminium, et spécialeme­nt conçus pour une propulsion électrique.

« C’est là où nos autobus se distinguen­t de la concurrenc­e, explique Nicolas Letendre. Ce que l’on retrouve principale­ment sur le marché, ce sont des véhicules au diesel convertis en véhicules électrique­s. Ils restent extrêmemen­t lourds, ce qui entraîne une surconsomm­ation d’énergie pour une plus faible performanc­e. Pensés dès le départ pour une propulsion électrique, nos autobus seront environ 20 % plus légers, ce qui permet d’accroître leur autonomie et, donc, leur efficacité énergétiqu­e. »

« On a aussi repensé l’ergonomie des véhicules pour plus de confort et de maniabilit­é dans les zones urbaines. Par exemple, le plancher est plat tout au long du bus, ce qui améliore la visibilité pour le chauffeur. Il est aussi plus facile d’y entrer ou d’en sortir pour les gens avec une poussette ou en fauteuil roulant. Notre objectif, c’est d’améliorer le taux d’utilisatio­n du transport en commun en procurant aux utilisateu­rs une expérience agréable. »

UNE APPROCHE COLLABORAT­IVE

Un passage par le programme d’incubation du Centech leur a permis de bien démarrer le projet. Se lancer dans la conception et la fabricatio­n d’autobus exige des ressources importante­s. Très vite, il leur est apparu essentiel d’adopter une approche collaborat­ive pour développer leur concept. « Cela nous a permis de réduire le risque financier, en plus de nous donner de la crédibilit­é auprès des investisse­urs. »

Ils ont établi des partenaria­ts avec l’institut du véhicule innovant, de Saint-jérôme, dans les Basses-laurentide­s, et Constructi­ons Proco, un fabricant de structures métallique­s de Saint-nazaire, au Lac-saintJean. Rio Tinto est aussi un partenaire par l’intermédia­ire de la Société de la Vallée de l’aluminium.

La PME a pu également bénéficier du soutien du ministère de l’économie et de l’innovation du Québec ainsi que du Conseil national de recherche du Canada.

Nicolas Letendre déplore toutefois que la plupart des programmes d’aide au démarrage d’une entreprise ciblent les 35 ans et moins. « Ce n’est pas plus facile de se lancer quand on dépasse la quarantain­e », dit-il.

PRÊT AU LANCEMENT

Letenda, qui compte cinq employés, arrive à une étape importante de son développem­ent avec la mise au point de son prototype, qui devrait être achevé d’ici 2020. Elle propose un seul modèle : un autobus de 30 pieds de long, un choix stratégiqu­e. Il s’adapte bien au transport urbain dans les villes moyennemen­t densifiées, « un créneau mal desservi », de même que pour le transport adapté, les navettes aéroportua­ires et universita­ires.

Père de trois enfants, Nicolas Letendre avoue qu’il n’est pas toujours facile de concilier entreprene­uriat et famille. « Il faudrait en parler davantage, dit-il, ne serait-ce que pour partager des solutions. »

Malgré les montagnes russes d’émotions, les longues heures de travail, il n’y a pas de retour en arrière possible pour lui. « J’adore ce que je fais. Concrétise­r sa vision, ça n’a pas de prix. »

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Nicolas Letendre, fondateur de Letenda, et Jonathan Beaulieu, directeur des opérations, fabricant d’autobus urbains électrique­s dans leurs bureaux de Longueuil
PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Nicolas Letendre, fondateur de Letenda, et Jonathan Beaulieu, directeur des opérations, fabricant d’autobus urbains électrique­s dans leurs bureaux de Longueuil

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