L’autobus est en marche, pas de retour en arrière
Un ex-ingénieur Bombardier planchait depuis plusieurs mois sur cette idée d’un autobus électrique
Choisir le bon moment pour se lancer en affaires, c’est souvent ce qui fait la différence entre le succès et l’échec. Pour Nicolas Letendre, ce moment ne pouvait être mieux choisi quand il a fondé Letenda, un fabricant d’autobus à propulsion électrique, en 2016.
Il avait alors 40 ans et pouvait s’appuyer sur une solide expérience de travail comme ingénieur mécanique chez Bombardier aéronautique pour démarrer ce projet sur lequel il planchait depuis plusieurs mois. « J’étais prêt ! », dit-il. Il savait aussi que la demande pour son produit était en train d’exploser.
« À partir de 2025, il n’y aura plus de subventions gouvernementales pour l’achat d’autobus au diesel. Les sociétés de transport seront obligées d’acheter des véhicules à zéro émission. » Pour Letenda, c’était maintenant ou jamais.
UNE VISION CLAIRE
Nicolas Letendre a monté son projet avec Jonathan Beaulieu, lui aussi un ex-ingénieur chez Bombardier, qui est aujourd’hui directeur des opérations au sein de la PME de Longueuil.
Une recherche sur le marché des autobus leur avait permis de constater que, malgré l’intérêt des villes et des sociétés de transport pour des véhicules verts, l’offre demeurait limitée. De là leur idée de créer une nouvelle génération d’autobus urbains, en aluminium, et spécialement conçus pour une propulsion électrique.
« C’est là où nos autobus se distinguent de la concurrence, explique Nicolas Letendre. Ce que l’on retrouve principalement sur le marché, ce sont des véhicules au diesel convertis en véhicules électriques. Ils restent extrêmement lourds, ce qui entraîne une surconsommation d’énergie pour une plus faible performance. Pensés dès le départ pour une propulsion électrique, nos autobus seront environ 20 % plus légers, ce qui permet d’accroître leur autonomie et, donc, leur efficacité énergétique. »
« On a aussi repensé l’ergonomie des véhicules pour plus de confort et de maniabilité dans les zones urbaines. Par exemple, le plancher est plat tout au long du bus, ce qui améliore la visibilité pour le chauffeur. Il est aussi plus facile d’y entrer ou d’en sortir pour les gens avec une poussette ou en fauteuil roulant. Notre objectif, c’est d’améliorer le taux d’utilisation du transport en commun en procurant aux utilisateurs une expérience agréable. »
UNE APPROCHE COLLABORATIVE
Un passage par le programme d’incubation du Centech leur a permis de bien démarrer le projet. Se lancer dans la conception et la fabrication d’autobus exige des ressources importantes. Très vite, il leur est apparu essentiel d’adopter une approche collaborative pour développer leur concept. « Cela nous a permis de réduire le risque financier, en plus de nous donner de la crédibilité auprès des investisseurs. »
Ils ont établi des partenariats avec l’institut du véhicule innovant, de Saint-jérôme, dans les Basses-laurentides, et Constructions Proco, un fabricant de structures métalliques de Saint-nazaire, au Lac-saintJean. Rio Tinto est aussi un partenaire par l’intermédiaire de la Société de la Vallée de l’aluminium.
La PME a pu également bénéficier du soutien du ministère de l’économie et de l’innovation du Québec ainsi que du Conseil national de recherche du Canada.
Nicolas Letendre déplore toutefois que la plupart des programmes d’aide au démarrage d’une entreprise ciblent les 35 ans et moins. « Ce n’est pas plus facile de se lancer quand on dépasse la quarantaine », dit-il.
PRÊT AU LANCEMENT
Letenda, qui compte cinq employés, arrive à une étape importante de son développement avec la mise au point de son prototype, qui devrait être achevé d’ici 2020. Elle propose un seul modèle : un autobus de 30 pieds de long, un choix stratégique. Il s’adapte bien au transport urbain dans les villes moyennement densifiées, « un créneau mal desservi », de même que pour le transport adapté, les navettes aéroportuaires et universitaires.
Père de trois enfants, Nicolas Letendre avoue qu’il n’est pas toujours facile de concilier entrepreneuriat et famille. « Il faudrait en parler davantage, dit-il, ne serait-ce que pour partager des solutions. »
Malgré les montagnes russes d’émotions, les longues heures de travail, il n’y a pas de retour en arrière possible pour lui. « J’adore ce que je fais. Concrétiser sa vision, ça n’a pas de prix. »